Rien ne le prédestinait à être ici, il en est conscient.
Deux ans après son entrée au Palais Bourbon, le député socialiste de l’Isère se retrouve, toute cette semaine, sous les feux des projecteurs, à défendre le budget de l’assurance-maladie. Il y a un mois, le trentenaire a profité de la démission du frondeur Christian Paul, député PS expérimenté, pour reprendre le flambeau. « J’ai été désigné rapporteur maladie par la commission des affaires sociales mais j’en avais aussi envie, explique-t-il. Je n’ai pas dix ans d’expérience, je n’aurais pas été candidat si on ne m’avait pas soutenu ». Cet épisode résume l’ascension fulgurante du Dr Olivier Véran. Du talent et de l’audace à coup sûr, une bonne dose d’opportunisme et un brin de chance.
Sous l’aile de Fioraso
Le jeune parlementaire est souvent au bon endroit au bon moment. Sa carrière politique démarre en 2007 mais il ne le sait pas. Les internes sont en grève contre la limitation de la liberté d’installation. Alors président des internes grenoblois, Olivier Véran rencontre la députée Geneviève Fioraso. Le contact passe bien. Quelques semaines plus tard, l’Isérois devient vice-président et porte-parole de l’Intersyndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH). Geneviève Fioraso suit les débuts syndicaux et professionnels prometteurs du jeune neurologue hospitalier du CHU de Grenoble, qui met en place un hôpital de jour de neurologie. « J’ai été marquée car en trois jours, il est passé de la coordination locale à la coordination nationale, raconte la ministre de l’Enseignement supérieur. Il est clair dans son expression, enthousiaste, a du charisme et a un bon sens de la communication. »
Écoute
Printemps 2012 : un mois et demi avant l’élection législative, Geneviève Fioraso lui propose d’être son suppléant. « Il a été surpris mais a tout de suite dit oui, affirme-t-elle. Il aime prendre des responsabilités ». Élue députée, Geneviève Fioraso intègre le gouvernement Ayrault et Olivier Véran fait son entrée dans l’hémicycle. La politique, il y pensait depuis longtemps sans oser franchir le Rubicon. Sa femme, gynécologue, soutient sa reconversion. C’est le début de l’aventure.
Le système de santé, réputé si complexe ? Le jeune médecin s’y intéresse depuis longtemps. Il l’a découvert en tant que syndicaliste en participant aux États généraux de l’organisation de la santé (EGOS), avant la loi Bachelot. Il expérimente aussi les négociations conventionnelles à la CNAM, interminables, en tant qu’observateur (les jeunes ont alors un strapontin). Le président des internes de l’époque n’est pas surpris de son ascension. « Il est extrêmement malin, sa progression est autant due à ses compétences techniques qu’à sa capacité d’écoute et de négociation, explique Benoît Elleboode. Tout le monde le respecte, à droite et à gauche, dans le public et le privé, car il n’est pas dans la posture politique, il est capable de reprendre des idées différentes des siennes. »
Dans ses nouveaux habits
Il perfectionne sa connaissance des rouages du système sanitaire pendant son master à Sciences-Po sous la direction de Didier Tabuteau, dont il apprécie la vision historique. « Ce qui m’a frappé, c’est sa curiosité intellectuelle et son humilité, témoigne l’ancien chef de cabinet de Bernard Kouchner au ministère de la Santé. Sa démarche était de bien connaître le système avant de démarrer de nouvelles fonctions. À l’époque, je ne savais pas qu’il aurait cette carrière. »
Mais prendre la casquette du politique n’a pas été si facile. « Il a eu du mal à sortir de son moule de syndicaliste, confie un acteur du secteur qui le connaît bien. Il ne venait pas du sérail. Il a pris goût à ses nouvelles fonctions et a commencé à bosser ses dossiers ».
Le Dr Jean-Martin Cohen-Solal, délégué général de la Mutualité française, qui l’a rencontré à de nombreuses reprises, confirme cette impression. « Il est accessible, pose de bonnes questions, n’est pas impressionné, c’est agréable de voir un jeune mec s’impliquer de la sorte dans ce rôle de législateur. Et on voit qu’il prend plaisir à être rapporteur du PLFSS. »
Lors de la présentation du budget de la Sécu en commission des affaires sociales, un moment toujours délicat, le député d’Isère a semblé dans son élément. « Il s’est installé sans faire preuve d’autorité, confie la présidente de la commission, Catherine Lemorton. Je le connais depuis deux ans et demi mais c’est une révélation. Il a très bien tenu les débats. Il connaît ses sujets, il est bosseur, drôle, et il n’a pas crispé l’opposition ! »
Faire bouger les lignes
Olivier Véran incarne une nouvelle génération à gauche, qui met en avant la justice sociale mais sans dogmatisme.Il n’a pas peur de s’attaquer au "mammouth" qu’est le système de santé. « Ce n’est pas un univers facile, les corporatismes sont très forts et souvent constitués contre le gouvernement, confie-t-il. Mais j’ai la volonté de faire bouger les lignes ». Bon communicant, le député est très présent sur les réseaux sociaux où il distribue les bons et les mauvais points, et distille sans filtre ses idées.
Depuis deux ans, il a relancé le débat sur plusieurs sujets médiatisés : le coût exorbitant de l’intérim à l’hôpital (médecins mercenaires), l’autorisation du don du sang aux homosexuels ou encore l’ouverture de salles d’injection supervisée qui permettent selon lui « de sauver des vies » (voir ci-dessous).
Dans ce PLFSS 2015, il a obtenu l’expérimentation d’« hôtels hospitaliers », à proximité des établissements, afin de réduire les durées de séjour (le prix d’une nuit étant de 60 euros dans ces structures alors qu’une journée d’hospitalisation coûte environ 1 500 euros). Et à l’heure où la France traque les économies partout, il a pris le contre-pied en proposant d’exonérer les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS) des différentes participations et franchises médicales. Le gouvernement devra rendre en juin 2015 une étude d’impact sur cette mesure. « Olivier Véran est un député imaginatif, analyse le Dr Claude Pigement, ancien responsable santé du PS. Ses idées sont souvent originales et dans la ligne sociale du gouvernement et du président de la République ».
Idéologue
Le jeune parlementaire dispose pour l’instant d’un capital sympathie jusque sur les bancs de la droite. « Il est dynamique, souriant et affable », commente l’UMP Jean-Pierre Door, avant de préciser que son jeune et ambitieux concurrent « n’a pas fréquenté le suffrage universel ». Malgré ses qualités, ajoute l’élu du Loiret, « il est idéologue, un peu trop hospitalo-hospitalier, pour lui le médecin libéral n’existe pas. » Le député Véran devra faire ses preuves en ville. « Je ne l’ai pas encore rencontré », regrette le leader d’un des principaux syndicats de médecins libéraux.
Olivier Véran a conservé une plage de consultation publique le lundi matin à l’hôpital de Grenoble. Redeviendra-t-il un médecin à temps plein s’il doit quitter l’Assemblée nationale ? Un proche en doute déjà. « Je savais qu’il ne finirait pas neurologue à temps plein, dit-il. Une fois qu’on a connu cette intensité, et que l’on voit qu’on peut être utile pour changer le système...» Il y a trois ans seulement, à Sciences-Po, Olivier Véran apprenait à décrypter un budget de la Sécurité sociale. En ce mois d’octobre 2014, il contribue à le construire.
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