Pour vivre heureux, vivons caché. Une résolution qui vient un peu tard pour Stéphane Delajoux ? « Cet adage est aujourd’hui mon choix de vie », assure-t-il. Le neurochirurgien de la clinique Monceau, non loin du très chic parc éponyme de la capitale, refuse toutes les sollicitations médiatiques : « Je n’accorde aucune interview, confie-t-il au « Quotidien » (qui bénéficie d’une dérogation exceptionnelle, négociée au forceps). Je n’ai pas davantage donné suite aux propositions alléchantes des éditeurs. » « Quand « Gala » ou « Closer » publient une photo volée, avec mon épouse Julie Andrieu et notre bébé, je porte plainte. Et je gagne à chaque fois. » En tout, il a engagé une trentaine de procédures depuis l’affaire Johnny, en 2009. « Toutes gagnées, note-t-il, sans qu’aucun média n’en fasse jamais mention. Par contre, quand survient un problème de responsabilité, comme il peut arriver à tout praticien, les journaux se précipitent. C’est comme ça. Je suis marqué à vie. » Bashing doctor.
« Lorsque Jean-Claude Camus l’a traité de boucher, après l’intervention sur Johnny, se souvient Julie Andrieu, l’animatrice télé qu’il a épousée en 2010, Stéphane est devenu l’ennemi public numéro un, subissant un acharnement médiatique incroyablement violent. Je l’ai vu prendre les coups avec un aplomb sidérant. Au propre et au figuré ! Il n’a pas bronché. À l’époque, je m’étais dit qu’une telle solidité cachait quelque chose, qu’il allait s’effondrer brutalement. Mais non, il me répétait qu’il n’avait commis aucune erreur et qu’il serait lavé de tout ça. Il suffisait d’attendre. Zéro stress ! »
Une victime en blanc ?
De fait. Les experts ont conclu que l’opération sur le rocker s’était déroulée dans les règles de l’art, selon une bonne indication et avec une technique appropriée. Entre-temps, le programme opératoire du Dr Delajoux a fondu. Faut-il alors le victimiser ? Faire de lui l’innocente victime en blanc d’une énorme arnaque, selon sa formule, avec des intérêts financiers considérables à la clé ? « C’est compliqué, admet un de ses meilleurs amis, le Dr Didier Feltesse, spécialiste en médecine physique, les médias ont déterré dans son parcours une vieille affaire d’escroquerie à l’assurance, qui n’avait rien à voir avec la médecine, après un accident de ski quand il était interne. Rien à voir avec sa pratique médicale, mais ils ont fait illico l’amalgame ». « J’avais pété un câble, paniqué par les conséquences financières de l’accident, sans parler des séquelles physiques que j’ai gardées, plaide l’intéressé. Depuis, on me ressort cette affaire à chaque fois. »
L’autre argument à charge, c’est l’étiquette de « chirurgien des stars ». Plus motivé par les paillettes et l’argent que par son art, comme l’avait dénoncé l’avocat Olivier Metzner (condamné depuis par la justice pour ces propos). « Metzner était l’avocat de Bertrand Cantat, rétorque Stéphane Delajoux, il réglait ses comptes après mon expertise médicale sur la mort de Marie Trintignant. À l’époque, ma réputation de spécialiste avait décidé la famille Trintignant à faire appel à moi pour une intervention de la dernière chance à Vilnius. » Avant l’actrice, Il opéra Sandrine Kiberlain en 2000. Et puis Charlotte Gainsbourg, en 2007. « Il lui a sauvé la vie en l’opérant d’un hématome sous-dural qui saignait à bas bruit », selon le Dr Marie-Claude Feltesse, une ophtalmologiste de ses amies. Et puis Johnny, la première intervention en 2008. Sans histoire. Et la seconde, avec (voir encadré).
L’actrice et le chirurgien cloîtrés
Élevé à Paris, puis dans les Vosges par une mère prof d’histoire, avec trois frères et un père absent, le petit Stéphane a eu « une enfance pas gâtée », lâche-t-il. « Faut-il voir dans cette histoire familiale la cause d’un désir d’accéder à l’univers fantasmatique des stars ? », s’interroge le Dr Feltesse. L’intéressé se défend de la moindre fascination. Restent ces cinq ans de vie commune avec Isabelle Adjani, l’actrice française la plus césarisée et la plus oscarisée de l’histoire.
« En fait, ce furent les années de ma vie où j’ai vécu surtout caché, se souvient-il. Isabelle est ultra-casanière et j’avais pour règle de ne pas l’accompagner dans ses rares sorties. » Cloîtrés, l’actrice et le chirurgien montent à deux un projet de site médical (« Docteur plus »), qui restera inabouti. L’affaire s’est mal finie, tribunaux et dénonciation au fisc à la clé. « Avec ma première épouse, professeur de droit, après 14 ans de mariage, nous avons gardé les meilleures relations, autour de nos deux fils. Mais avec Isabelle le clash a été violent. » Et public. En pleine affaire Johnny, l’actrice s’est lâchée, l’accusant d’escroquerie. Des « réactions de femme délaissée », commente sans plus son ex. Bashing doctor. Starfucker en prime !
D’autant qu’est revenue au jour une autre polémique, hospitalo-universitaire celle-là, autour de sa nomination comme chef de clinique, à la Salpêtrière, dans un contexte de guerre ouverte entre deux mandarins. À l’issue d’un procès (le premier devant les juridictions), le tribunal administratif l’a disculpé de l’incrimination d’usurpation de titre, condamnant l’AP-HP et lui donnant gain de cause. Mais après des études qui font dire à l’ex-doyen de Necker, le Pr Philippe Even, qu’il s’est distingué comme « l’un des étudiants les plus brillants de la faculté », Stéphane Delajoux se dit « dégoûté du panier de crabe hospitalo-universitaire, où tout le monde veut être calife à la place du calife ». Il exercera dans le privé, à la fondation Rothschild, puis à Monceau. « Quand on quitte l’hôpital, on cesse d’être protégé, note-t-il, on s’expose aux jalousies et aux coups tordus. » Cette jalousie qu’« excite son physique de super-beau gosse », témoigne le Dr Marie-Claude Feltesse. Et évidemment qu’exaspère la célébrité de quelques-uns de ses patients.
N’importe, son métier le fera tenir, dit-il. Contre vents médiatiques et marées judiciaires. « La vocation de chirurgien m’est venue tôt, confie le Dr Delajoux, j’étais en classe de troisième, et j’ai accompagné un chirurgien ami de la famille au bloc pour une césarienne. Depuis, à travers tous les événements, ma passion pour la chirurgie n’a jamais faibli. Cet univers clos et magique, où l’on évolue en cosmonaute, c’est toute ma vie. » Une vie tempétueuse sous les flashs, au dehors, zen sous les scialytiques. « Stéphane a son métier dans la peau, confirme Julie Andrieu. À la maison, c’est un papa poule, qui ne voit que quelques rares amis. Après tout ce qui lui est arrivé, je ne l’ai jamais vu s’apitoyer sur son compte. Il n’y a pas moins égotique et moins mondain que lui. » Aujourd’hui, le bashing doctor se déclare « heureux, tout simplement heureux ». Une info est encore sortie sur lui récemment dans le « Nouvel Obs », mais son nom, une fois n’est pas coutume, n’a pas été mentionné : la chirurgie du rachis à la clinique Monceau (il en est le seul praticien), a été classée 2e pour Paris- Île de France des meilleurs hôpitaux et cliniques. Pour vivre heureux, vivons caché. Et bien noté.
Article précédent
Pr Philippe Touraine : elle c'est elle, lui c'est lui
Article suivant
Alexandre Fuzeau : Docteur Ice, champion de nage en eau glacée
Dr Olivier Véran : du syndicalisme à l’Assemblée, la fulgurante ascension
Dr Frédéric Tissot : la tête à Paris, le cœur à Erbil
Jack, François et Thomas Mouchel : la gynéco en héritage
Denis Mollat : un médecin en librairie
Catherine Bonnet : une lanceuse d’alerte au Vatican
Elsa Cayat : « La psy de Charlie » ou la passion des mots et des gens
Abdel-Rahmène Azzouzi : contre l’invisibilité, le verbe
Jean-Christophe Rufin : médecin caméléon
Pr Sadek Beloucif : un réanimateur pour déchoquer la société française
Mathieu Coulange : l'effet subaquatique
Jean Abitbol : la voix des autres
Florence Cortot : anesthésiste le jour, humoriste le soir…
Pr Cécile Badoual : la croisade d'une femme contre le HPV
Dr Albert-Claude Tahar : en arrêt de travail malgré lui
Dr Borhane Ferjani : d'une élection l'autre, les sirènes de la politique
Muguette Bastide : diptyque polychrome d’une femme médecin
Petit Bertrand et Docteur Virieux : un cardiologue contre un cardinal
Michel Bénézech : médecin du crime
Devi Shetty : chirurgien cardiaque low-cost
Patrick René-Corail : aux petits soins pour la santé martiniquaise
Maryline Salvetat avec son peloton vers Rio
Jannie du Plessis : un médecin en première ligne
Louis Lareng : de l’hôpital « au pied de l’arbre » à la télémédecine
Michel Aupetit : l’ex-généraliste « bizarre » devenu évêque de Nanterre
Dominique Martin : le parcours atypique d’un médecin touche à tout
Matthias Lambert : chercheur et myopathe
Ibrahima Maïga : pratiquer la médecine sous la coupe d’Aqmi
Aaron Carroll : Dr YouTube
Wilfredo Martinez : un médecin sous pression
Pr Jean-Pierre Neidhardt, la mémoire vivante
Mariam Rastgar : l'étonnante Odyssée d'une étudiante en médecine hors norme
Pierre Duterte : homme de l'Art, médecin de l'être
Védécé : planches de vie
Laurent Seksik : le médecin-star malgré lui
Pr Alain Serrie : humaniste ambitieux contre la douleur
Pierre Corvol : grand diffuseur de savoir
Agnès Buzyn : une féminité assumée dans un monde de mandarins
Cécile Colavolpe : Un choix de vie majeur
Dr Raphaël Pitti : soigner et témoigner
Dr Stella Verry : in Memoriam
Dr Roberto Anfonsso : la médecine de campagne... c'est son dada !
Kurt Matthaus : des villageois mosellans aux expat’ de Shanghai, il n’y a qu’un pas
Gérard Maudrux : l’inoxydable patron de la CARMF tire sa révérence
Dr Jérémy Saget : le chant de Mars
Dr Giulia Grillo : une ministre de la Santé 5 étoiles !
Henri Borlant : et après Auschwitz, il y eut la médecine générale
Dominique Stoppa-Lyonnet : prédisposée aux débats d’idées
Jean-Baptiste Grisoli : pilier de la santé du XV de France
Patrick Bouet : la discrète ascension d’un praticien déterminé
Chris Murray : le médecin qui mesure la santé du monde entier
Michel Polak : le fœtus est devenu son patient
Milad Aleid : péril en la famille
Borée, docteur blogueur en campagne
Dr « Fanch » Le Men : médecin de famille depuis 13 lustres
Robin Ohannessian : au cœur de la télémédecine
Dr Philippe Grimaud : héraut d'une mort plus civile
Jérôme Marty : ascension à front renversé
Patricia Vaduva : Miss prévention
Virginie Maincion : soigner mais pas seulement
Anandibai Joshi : les histoires les plus courtes sont parfois les meilleures
François Desgrandchamps : en marche
Ghada Hatem-Gantzer : militante pro-femmes
Franck Le Gall soigne les Bleus et les bosses
Stéphane Clerget : un psy passe à table
Jean-Marie Le Guen : un médecin pour soigner les crises parlementaires
Dr Baptiste Beaulieu : l'humanité à fleur de peau
Anne Révah-Lévy et Laurence Verneuil : la possibilité d'une écoute
Christine Janin : première de cordée
Dr Francis Hermitte : il y a un an, sur l'épicentre médiatique du monde
Pr Philippe Touraine : elle c'est elle, lui c'est lui
Stéphane Delajoux, Bashing doctor
Alexandre Fuzeau : Docteur Ice, champion de nage en eau glacée
Pr Bernard Bioulac : une vie entre Science et Humanisme
Dr Jean Denis : les chemins de traverse d'un médecin de campagne
Dr Jochen Walza : « deutsche Qualität » à Marseille
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature