Actif. C’est, pour le moins, l’adjectif qui pourrait qualifier le Pr Louis Lareng. Depuis son bureau à l’ARS Midi-Pyrénées, il s’affaire. Aujourd’hui, son assistante est malade, mais cela n’a pas l’air de le déranger plus que cela.
En recevant « le Quotidien », le professeur s’exclame avec un accent rocailleux, caractéristique de sa région natale (Hautes-Pyrénées) : « Le directeur de cabinet ministériel ukrainien vient de m’inviter pour que je participe à une conférence… je ne vais pas me dégonfler, j’irai ! » Louis Lareng semble déborder d’énergie, d’ailleurs quand il se déplace, sa canne est sous son bras. Interrogé sur les débuts de sa vocation, il se souvient : « Ma mère avait la tuberculose, je ne pouvais la voir qu’à travers une glace. J’ai donc été élevé par une tante qui travaillait dans une pharmacie, en tant qu’auxiliaire. Les mardis, c’était jour de marché, et j’allais donner un coup de main à l’officine. Elle voulait que je devienne médecin. »
De l’endormissement du patient par un balayeur à l’anesthésiologie
Nous sommes en 1939, Louis voudrait être professeur des universités. La guerre éclate, et tandis qu’il se lance dans des études de médecine à Toulouse, la bourse qu’il avait obtenue arrive à son terme. « Comme je n’avais plus de quoi payer mes études j’ai dû chercher de quoi gagner ma vie. Le patron de la pharmacie étant parti au front, des amis m’ont pris en charge. C’est alors qu’ils m’ont suggéré de réaliser des anesthésies. » À l’époque, le professeur se remémore, non sans rire, que les anesthésies étaient pratiquées par n’importe qui, y compris un balayeur qui passait. Progressivement, la pratique d’intraveineuse va se développer au détriment du masque à l’éther, la fonction d’anesthésiste faisant de plus en plus appel à des compétences professionnelles. C’est ainsi qu’il va débuter les anesthésies en chirurgie.
Parallèlement, il est pressenti pour être président du comité consultatif en charge des nominations des anesthésistes, aux côtés du Dr Guy Vourc’h, pionnier de l’anesthésie à l’hôpital Foch. Ce dernier sera le premier agrégé d’anesthésie de France, en 1958, Louis Lareng le devenant à son tour l’année d’après. « Je pouvais fumer ma pipe une fois le patient endormi, se souvient-il, amusé. J’allais me promener et revenais voir de temps en temps si tout se passait bien. » Ce n’est que par la suite que la spécialité réanimation va faire son apparition.
L’épidémie de poliomyélite qui accélère les choses
Dans les années 1950, une épidémie de polio est redoutée dans le Nord de l’Europe, suite à des cas isolés. Pour s’en prémunir, des réanimateurs sont envoyés en région, pour apprendre à faire face aux insuffisances respiratoires, et des centres spéciaux sont créés ad hoc. Louis Lareng sera dès lors affecté aux maladies infectieuses au sein d’un Centre respiratoire créé à Toulouse. « Mais la polio n’arrive pas, se souvient l’anesthésiste-réanimateur. J’ai dû soigner en tout et pour tout deux patients, dont une qui vit encore ! » En 1957, les réanimations respiratoires causées par les accidents de la route deviennent sa spécialité. Le « médecin au pied de l’arbre » devient son leitmotiv, voire son label. Étant parti du constat qu’à l’époque, il n’existe qu’une seule ambulance médicalisée pour tout le pays, le Pr Lareng va mobiliser ses fonctions politiques pour finir par rencontrer le président, le général de Gaulle. « Le Général trouvait l’idée du SAMU très bonne, il avait suggéré de créer en plus des équipes de secouristes qui seraient plus vite au pied de l’arbre lors d’un accident de voiture. Une fois la discussion terminée, il a appelé le premier ministre, Georges Pompidou, qui s’est aussitôt vu charger de monter la future fédération nationale de protection civile. »
Après le SAMU, la télémédecine
Une fois la loi Lareng entérinée, en 1986, le professeur d’anesthésie-réanimation ne s’en tient pas là. Convaincu que le progrès et les avancées technologiques doivent aller de concerve avec la médecine, il crée en 1989 la Société européenne de télémédecine, dont il est encore le président. En parallèle, il s’investit auprès de la société internationale pour la télémédecine et l’e-santé. Comme insatiable, il est aujourd’hui encore administrateur du groupement de coopération sanitaire Télésanté Midi-Pyrénées. « Il faut travailler pour l’intérêt général, martèle-t-il encore, et maintenir l’humain partout. Les médecins sont excellents, la médecine évolue selon les besoins de notre temps. Le SAMU doit aussi se moderniser, en le dotant d’un répertoire opérationnel des ressources et des parcours de soins des patients, ce qui permettrait une meilleure attribution des lits et une meilleure prise en charge. Ce dont je suis le plus fier, ce sont toutes les innovations qui ont vu le jour, surtout celles qui ont permis que tout le monde puisse avoir un accès égal au bien-être et aux soins, en tout point du territoire. C’est la mission que je me suis donné depuis 1945 », conclut-il, à la fois ému et enclin à poursuivre encore.
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