Avec son prédécesseur à la tête de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’homme partage une partielle homonymie. Dominique Martin succédant à Dominique Maraninchi, voilà qui promettait une belle continuité managériale. Mais la comparaison s’arrête là car tout sépare les deux hommes, excepté un vrai respect mutuel. Autant Dominique Maraninchi a incarné à la perfection le PU-PH cancérologue durant près de 40 ans, autant Dominique Martin a le visage du touche-à-tout brillant, au parcours atypique.
Né en 1955 dans l’Allier, à Marcillat-en-Combraille (1 200 habitants), « d’une famille du monde agricole », dit-il, Dominique Martin est très tôt gagné par l’envie d’ailleurs. Avant même de faire médecine, il parcourt l’Inde et l’Afrique, contrées qui lui donneront le goût de ces voyages qu’il effectuera plus tard pour le compte de Médecins sans Frontières. Son doctorat de médecine en poche, il s’oriente vers MSF sur les conseils d’un de ses amis, Bernard Pécoul, aujourd’hui directeur exécutif du DNDI (Drugs for Neglected Diseases initiative).
« C’est très concret, MSF, on y fait des choses, raconte-t-il. J’y ai suivi une formation en épidémiologie, j’ai fait de la santé publique, et j’ai géré des équipes. » Il y effectuera aussi de nombreuses missions dans des pays en guerre, comme l’Afghanistan, la Somalie, le Salvador, la Yougoslavie, le Rwanda ou encore le Liberia.
Sciences Po et l’ENA après l’Afghanistan
C’est sans doute au contact de MSF que Dominique Martin aura ressenti la nécessité d’acquérir d’autres formations, et d’élargir ses domaines de compétence. Après avoir bourlingué pour l’association aux quatre coins de la planète, le voilà qui reprend le chemin de l’école. Ce sera Sciences Po, incontournable porte d’entrée vers l’ENA, qu’il intègre dans la foulée. « Dans cette école, j’ai découvert des matières comme l’Économie, le Droit public, qui m’ont passionné, assure-t-il. J’y ai trouvé mon compte. Jamais je n’aurais pu faire les choses dans l’autre sens, l’ENA puis médecine. »
En 1997, Dominique Martin sort de l’ENA. Il passe par la direction générale de la santé et le cabinet de Dominique Gillot, secrétaire d’État à la Santé, et en mars 2001, il devient conseiller technique au cabinet de Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé. Son directeur de cabinet n’est autre que Didier Tabuteau, aujourd’hui responsable de la chaire santé de Sciences Po. À ce poste, il travaille à la préparation de la loi sur les droits des malades, dont il coordonne les travaux.
Il noue des contacts avec le directeur de cabinet, et un autre membre de l’équipe, Philippe Lamoureux, aujourd’hui directeur général du LEEM. « Je continue à voir Didier, indique Dominique Martin, mais avec Philippe Lamoureux, nos relations se sont un peu éloignées, c’est la vie. » Il est vrai qu’une grande proximité entre le patron de l’agence qui délivre les autorisations de mise sur le marché, et le directeur général du syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique aurait été diversement commentée…
Un nouveau challenge
En mai 2002, Dominique Martin se trouve un nouveau challenge. Sous l’autorité du nouveau ministre de la Santé, Jean-François Mattei, il installe ex nihilo l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM, qui fera parler de lui dans le sillage du Mediator). En 2011, il quitte sa création pour intégrer la CNAM en tant que directeur des risques professionnels.
Mars 2014. Le Pr Maraninchi, qui pilotait l’ANSM depuis février 2011, annonce brusquement son départ de l’Agence, dès qu’un successeur lui aura été trouvé. Dominique Martin est très vite sur les rangs. « C’est moi qui ai fait acte de candidature », explique-t-il au « Quotidien » en réponse à ceux qui prétendent qu’il était téléguidé par Marisol Touraine.
Mettant en avant sa double compétence de médecin et d’administrateur, Dominique Martin s’impose rapidement comme le candidat le plus crédible. Il passe avec aisance une audition devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, et à la mi-juillet 2014, Marisol Touraine le choisit pour succéder à Dominique Maraninchi. Le 1er septembre de la même année, il prend officiellement les rênes de l’institution.
Le flibustier et le rassembleur
Le Dr Claude Pigement, vice-président de l’ANSM, connaît bien l’ancien et le nouveau directeur général. Pour lui, les deux hommes offrent « des profils psychologiques très différents : Maraninchi, c’est un flibustier bouillonnant et fonceur, plus dans le clivage que dans le consensus, Martin, c’est un homme posé, calme, serein, tranquille, qui cherche à rassembler. » Claude Pigement l’assure, « Martin sait qu’il doit remettre en place le dialogue social à l’intérieur de l’Agence, un dialogue qui était tendu à la fin de l’ère Maraninchi. »
Il devra aussi faire face aux critiques qui fusent déjà sur l’agence, et notamment celles relatives à « une perte certaine de compétences », pointée par un récent rapport de l’IGAS, suite à un profond remaniement de son comité de direction, et à l’évolution de la fonction de bon nombre de salariés. Conséquence de la loi Bertrand, le nombre d’experts externes de l’ANSM a été revu à la baisse, passant de plus de 1 200 en 2011 à environ 200 personnes sous Maraninchi. Le fonctionnement de l’Agence en a été affecté, et sa charge de travail accrue.
Il devra enfin trouver des solutions pour améliorer les délais de traitement des demandes d’AMM, qui ont explosé depuis 2011. Dominique Maraninchi aura beaucoup travaillé pour que l’ANSM soit lavée des soupçons de collusion avec l’industrie, au prix d’un alourdissement et d’une complexité accrue des procédures. À Dominique Martin d’en faire un outil efficace et réactif.
Article précédent
Michel Aupetit : l’ex-généraliste « bizarre » devenu évêque de Nanterre
Article suivant
Matthias Lambert : chercheur et myopathe
Dr Olivier Véran : du syndicalisme à l’Assemblée, la fulgurante ascension
Dr Frédéric Tissot : la tête à Paris, le cœur à Erbil
Jack, François et Thomas Mouchel : la gynéco en héritage
Denis Mollat : un médecin en librairie
Catherine Bonnet : une lanceuse d’alerte au Vatican
Elsa Cayat : « La psy de Charlie » ou la passion des mots et des gens
Abdel-Rahmène Azzouzi : contre l’invisibilité, le verbe
Jean-Christophe Rufin : médecin caméléon
Pr Sadek Beloucif : un réanimateur pour déchoquer la société française
Mathieu Coulange : l'effet subaquatique
Jean Abitbol : la voix des autres
Florence Cortot : anesthésiste le jour, humoriste le soir…
Pr Cécile Badoual : la croisade d'une femme contre le HPV
Dr Albert-Claude Tahar : en arrêt de travail malgré lui
Dr Borhane Ferjani : d'une élection l'autre, les sirènes de la politique
Muguette Bastide : diptyque polychrome d’une femme médecin
Petit Bertrand et Docteur Virieux : un cardiologue contre un cardinal
Michel Bénézech : médecin du crime
Devi Shetty : chirurgien cardiaque low-cost
Patrick René-Corail : aux petits soins pour la santé martiniquaise
Maryline Salvetat avec son peloton vers Rio
Jannie du Plessis : un médecin en première ligne
Louis Lareng : de l’hôpital « au pied de l’arbre » à la télémédecine
Michel Aupetit : l’ex-généraliste « bizarre » devenu évêque de Nanterre
Dominique Martin : le parcours atypique d’un médecin touche à tout
Matthias Lambert : chercheur et myopathe
Ibrahima Maïga : pratiquer la médecine sous la coupe d’Aqmi
Aaron Carroll : Dr YouTube
Wilfredo Martinez : un médecin sous pression
Pr Jean-Pierre Neidhardt, la mémoire vivante
Mariam Rastgar : l'étonnante Odyssée d'une étudiante en médecine hors norme
Pierre Duterte : homme de l'Art, médecin de l'être
Védécé : planches de vie
Laurent Seksik : le médecin-star malgré lui
Pr Alain Serrie : humaniste ambitieux contre la douleur
Pierre Corvol : grand diffuseur de savoir
Agnès Buzyn : une féminité assumée dans un monde de mandarins
Cécile Colavolpe : Un choix de vie majeur
Dr Raphaël Pitti : soigner et témoigner
Dr Stella Verry : in Memoriam
Dr Roberto Anfonsso : la médecine de campagne... c'est son dada !
Kurt Matthaus : des villageois mosellans aux expat’ de Shanghai, il n’y a qu’un pas
Gérard Maudrux : l’inoxydable patron de la CARMF tire sa révérence
Dr Jérémy Saget : le chant de Mars
Dr Giulia Grillo : une ministre de la Santé 5 étoiles !
Henri Borlant : et après Auschwitz, il y eut la médecine générale
Dominique Stoppa-Lyonnet : prédisposée aux débats d’idées
Jean-Baptiste Grisoli : pilier de la santé du XV de France
Patrick Bouet : la discrète ascension d’un praticien déterminé
Chris Murray : le médecin qui mesure la santé du monde entier
Michel Polak : le fœtus est devenu son patient
Milad Aleid : péril en la famille
Borée, docteur blogueur en campagne
Dr « Fanch » Le Men : médecin de famille depuis 13 lustres
Robin Ohannessian : au cœur de la télémédecine
Dr Philippe Grimaud : héraut d'une mort plus civile
Jérôme Marty : ascension à front renversé
Patricia Vaduva : Miss prévention
Virginie Maincion : soigner mais pas seulement
Anandibai Joshi : les histoires les plus courtes sont parfois les meilleures
François Desgrandchamps : en marche
Ghada Hatem-Gantzer : militante pro-femmes
Franck Le Gall soigne les Bleus et les bosses
Stéphane Clerget : un psy passe à table
Jean-Marie Le Guen : un médecin pour soigner les crises parlementaires
Dr Baptiste Beaulieu : l'humanité à fleur de peau
Anne Révah-Lévy et Laurence Verneuil : la possibilité d'une écoute
Christine Janin : première de cordée
Dr Francis Hermitte : il y a un an, sur l'épicentre médiatique du monde
Pr Philippe Touraine : elle c'est elle, lui c'est lui
Stéphane Delajoux, Bashing doctor
Alexandre Fuzeau : Docteur Ice, champion de nage en eau glacée
Pr Bernard Bioulac : une vie entre Science et Humanisme
Dr Jean Denis : les chemins de traverse d'un médecin de campagne
Dr Jochen Walza : « deutsche Qualität » à Marseille
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique