Chez Pierrre Corvol, l’envie de devenir médecin se révèle assez tôt, en classe de quatrième. Issu d’une famille de juristes, sa vocation ne s’inscrit pas dans une dynastie mais répond à son désir de soigner. Il se voit alors médecin généraliste. Les rencontres et les hasards de la vie changeront ses aspirations.
Interne des hôpitaux de Paris en 1964, il s’oriente vers la recherche et obtient un DEA de physicochimie et de biologie moléculaire. Il n’en demeure pas moins médecin endocrinologue et se spécialisera en pathologie vasculaire. En 1969, il part effectuer son Post Doc aux États-Unis dans un laboratoire des National Institutes of Health à Bethesda, près de Washington. C’est là qu’ayant rencontré le Pr Joël Ménard, avec qui il collaborera des années durant, naît son idée de travailler sur la rénine, une molécule à la structure alors inconnue.
De retour en France en 1971, il entre à l’Unité de recherche 36 de l’INSERM « Pathologie vasculaire et endocrinologie rénale ». Durant ces années 70, l’hypertension artérielle est devenue une question de santé publique mais les médicaments alors disponibles ne sont pas très efficaces, les effets secondaires fréquents et lourds : somnolence et troubles de l’humeur, tachycardie, bouffées de chaleur, impuissance… Pierre Corvol et son équipe vont alors concentrer leurs travaux sur le système « rénine-angiotensine-aldostérone » qui régule le niveau de la pression artérielle et contrôle le métabolisme de l’eau et du sel par le rein. Une production inappropriée de ce système entraîne une élévation de la pression artérielle.
Avec son équipe, il caractérise les différents gènes et protéines de ce système, met au point de nouveaux dosages, cherche des molécules bloquant le système rénine aldostérone. C’est sur ce champ précis que les recherches de Pierre Corvol et de Joël Ménard ont permis des avancées capitales dans la compréhension et le traitement de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires. L’application thérapeutique de ces travaux sera le développement de molécules inhibant le système rénine-angiotensine, avec la découverte des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, puis des bloqueurs du récepteur de l’angiotensine et, plus récemment des inhibiteurs de la rénine.
Patients ou sujets de recherche ?
Pour cela, il aura fallu à Pierre Corvol livrer une autre bataille. Non pas sur les paillasses de l’INSERM, mais au sein même de l’hôpital : une des victoires qui lui tient le plus à cœur dans sa carrière ! Chercheur et médecin, il se souvient en effet de ses innombrables allers-retours entre le laboratoire et l’hôpital. Cette insistance lui permet d’apporter une contribution décisive à la mise en place des centres d’investigations cliniques (CIC), à la fin des années 1980. L’AP-HP était alors très réticente à l’idée d’une recherche menée chez les sujets sains et chez les patients, pensant que son rôle était de soigner les malades et non pas de les transformer en sujets de recherche. Les deux premiers CIC ne seront créés qu’en 1992, bien plus tard qu’aux États-Unis, mais c’est devenu depuis une force de recherche clinique unique en Europe, à l’exception du Royaume-Uni.
Autre phase des recherches : la part génétique et donc héréditaire de l’hypertension artérielle. Elle est évaluée à un tiers mais difficile à étudier car une multitude de gènes sont impliqués dans la régulation de la tension artérielle. Il faut donc identifier ces gènes responsables et surtout leur poids respectif dans l’explication de la maladie. Cela a été possible dans quelques cas d’hypertensions monogéniques mais il y a encore beaucoup à faire, à chercher et à trouver dans l’hypertension commune.
Le travail de Pierre Corvol et de son équipe a été couronné de prix : le grand prix Claude Bernard, le grand prix scientifique de la ville de Paris, le grand prix INSERM de la recherche médicale. Président du conseil scientifique de l’AP-HP, membre de l’Académie des Sciences, de l’Académie de Médecine, Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de Médecine Expérimentale, il est élu Administrateur de cette grande institution en 2006 et occupera ce poste jusqu’en 2012. Aujourd’hui Professeur Émérite, il est heureux d’avoir contribué au rayonnement de ce lieu du savoir. C’est lui qui a mis en place la diffusion des cours proposés au Collège de France sur Internet et qui est à l’origine de la création de plusieurs chaires annuelles thématiques (Savoirs contre la pauvreté, Développement durable, Informatique et Sciences numériques, Innovation Technologique) dont le titulaire change chaque année (et n’est pas obligatoirement un universitaire).
À l’origine de 19 millions de cours
L’enseignement dispensé reste totalement gratuit et ouvert à chacun en présentiel ou via Internet. L’année dernière, plus de 19 millions de cours ont été téléchargés.
Recherche de Mécénat, création de la Fondation du Collège de France : Pierre Corvol a beaucoup œuvré et œuvre encore pour le partage des connaissances, la diffusion du savoir. Tout sauf passéiste, il aimerait sentir davantage d’audace auprès des jeunes. Les entendre, comme il l’a exprimé un jour lors d’une remise de prix à la Légion d’honneur, se poser la question du « pourquoi pas ? » des projets qui semblent fous, inaccessibles plutôt que de les sentir peureux à l’ombre d’un simple « pourquoi ? » trahissant un : « À quoi bon ? ». De l’audace, il aimerait en sentir aussi auprès des jeunes chercheurs mais conscient de leurs difficultés, il ne peut que regretter que tout soit aujourd’hui si régenté, compartimenté, que les médecins ne veulent plus être chercheurs et que les chercheurs ne veulent plus être médecins, pour la plupart. À l’image de Claude Bernard, Pierre Corvol est convaincu qu’un médecin doit « passer du laboratoire au lit du malade et vice et versa » malgré toute l’énergie, le temps, les sacrifices que cela représente. C’est une des raisons majeures pour laquelle il veut continuer à faciliter le partage des connaissances, l’interdisciplinarité afin de permettre à chacun de bénéficier du savoir des autres.
Chez Pierrre Corvol, l’envie de devenir médecin se révèle assez tôt, en classe de quatrième. Issu d’une famille de juristes, sa vocation ne s’inscrit pas dans une dynastie mais répond à son désir de soigner. Il se voit alors médecin généraliste. Les rencontres et les hasards de la vie changeront ses aspirations.
Interne des hôpitaux de Paris en 1964, il s’oriente vers la recherche et obtient un DEA de physicochimie et de biologie moléculaire. Il n’en demeure pas moins médecin endocrinologue et se spécialisera en pathologie vasculaire. En 1969, il part effectuer son Post Doc aux États-Unis dans un laboratoire des National Institutes of Health à Bethesda, près de Washington. C’est là qu’ayant rencontré le Pr Joël Ménard, avec qui il collaborera des années durant, naît son idée de travailler sur la rénine, une molécule à la structure alors inconnue.
De retour en France en 1971, il entre à l’Unité de recherche 36 de l’INSERM « Pathologie vasculaire et endocrinologie rénale ». Durant ces années 70, l’hypertension artérielle est devenue une question de santé publique mais les médicaments alors disponibles ne sont pas très efficaces, les effets secondaires fréquents et lourds : somnolence et troubles de l’humeur, tachycardie, bouffées de chaleur, impuissance… Pierre Corvol et son équipe vont alors concentrer leurs travaux sur le système « rénine-angiotensine-aldostérone » qui régule le niveau de la pression artérielle et contrôle le métabolisme de l’eau et du sel par le rein. Une production inappropriée de ce système entraîne une élévation de la pression artérielle.
Avec son équipe, il caractérise les différents gènes et protéines de ce système, met au point de nouveaux dosages, cherche des molécules bloquant le système rénine aldostérone. C’est sur ce champ précis que les recherches de Pierre Corvol et de Joël Ménard ont permis des avancées capitales dans la compréhension et le traitement de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires. L’application thérapeutique de ces travaux sera le développement de molécules inhibant le système rénine-angiotensine, avec la découverte des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, puis des bloqueurs du récepteur de l’angiotensine et, plus récemment des inhibiteurs de la rénine.
Patients ou sujets de recherche ?
Pour cela, il aura fallu à Pierre Corvol livrer une autre bataille. Non pas sur les paillasses de l’INSERM, mais au sein même de l’hôpital : une des victoires qui lui tient le plus à cœur dans sa carrière ! Chercheur et médecin, il se souvient en effet de ses innombrables allers-retours entre le laboratoire et l’hôpital. Cette insistance lui permet d’apporter une contribution décisive à la mise en place des centres d’investigations cliniques (CIC), à la fin des années 1980. L’AP-HP était alors très réticente à l’idée d’une recherche menée chez les sujets sains et chez les patients, pensant que son rôle était de soigner les malades et non pas de les transformer en sujets de recherche. Les deux premiers CIC ne seront créés qu’en 1992, bien plus tard qu’aux États-Unis, mais c’est devenu depuis une force de recherche clinique unique en Europe, à l’exception du Royaume-Uni.
Autre phase des recherches : la part génétique et donc héréditaire de l’hypertension artérielle. Elle est évaluée à un tiers mais difficile à étudier car une multitude de gènes sont impliqués dans la régulation de la tension artérielle. Il faut donc identifier ces gènes responsables et surtout leur poids respectif dans l’explication de la maladie. Cela a été possible dans quelques cas d’hypertensions monogéniques mais il y a encore beaucoup à faire, à chercher et à trouver dans l’hypertension commune.
Le travail de Pierre Corvol et de son équipe a été couronné de prix : le grand prix Claude Bernard, le grand prix scientifique de la ville de Paris, le grand prix INSERM de la recherche médicale. Président du conseil scientifique de l’AP-HP, membre de l’Académie des Sciences, de l’Académie de Médecine, Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de Médecine Expérimentale, il est élu Administrateur de cette grande institution en 2006 et occupera ce poste jusqu’en 2012. Aujourd’hui Professeur Émérite, il est heureux d’avoir contribué au rayonnement de ce lieu du savoir. C’est lui qui a mis en place la diffusion des cours proposés au Collège de France sur Internet et qui est à l’origine de la création de plusieurs chaires annuelles thématiques (Savoirs contre la pauvreté, Développement durable, Informatique et Sciences numériques, Innovation Technologique) dont le titulaire change chaque année (et n’est pas obligatoirement un universitaire).
À l’origine de 19 millions de cours
L’enseignement dispensé reste totalement gratuit et ouvert à chacun en présentiel ou via Internet. L’année dernière, plus de 19 millions de cours ont été téléchargés.
Recherche de Mécénat, création de la Fondation du Collège de France : Pierre Corvol a beaucoup œuvré et œuvre encore pour le partage des connaissances, la diffusion du savoir. Tout sauf passéiste, il aimerait sentir davantage d’audace auprès des jeunes. Les entendre, comme il l’a exprimé un jour lors d’une remise de prix à la Légion d’honneur, se poser la question du « pourquoi pas ? » des projets qui semblent fous, inaccessibles plutôt que de les sentir peureux à l’ombre d’un simple « pourquoi ? » trahissant un : « À quoi bon ? ». De l’audace, il aimerait en sentir aussi auprès des jeunes chercheurs mais conscient de leurs difficultés, il ne peut que regretter que tout soit aujourd’hui si régenté, compartimenté, que les médecins ne veulent plus être chercheurs et que les chercheurs ne veulent plus être médecins, pour la plupart. À l’image de Claude Bernard, Pierre Corvol est convaincu qu’un médecin doit « passer du laboratoire au lit du malade et vice et versa » malgré toute l’énergie, le temps, les sacrifices que cela représente. C’est une des raisons majeures pour laquelle il veut continuer à faciliter le partage des connaissances, l’interdisciplinarité afin de permettre à chacun de bénéficier du savoir des autres.
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