D’un pays, l’autre. Né en Allemagne en 1948, le Dr Kurt Matthaus est un habitué des départs. De sa patrie natale à l’hexagone, d’un village français à la capitale économique chinoise… Le généraliste, basé à Shanghai depuis 2002, n’hésite pas à prendre le large pour mieux changer de cap.
« J’ai retrouvé en Chine le plaisir d’exercer la médecine, sans être pieds et mains liés. » En poste dans un hôpital international, il y soigne une clientèle cosmopolite, « à raison de 20 à 30 patients par jour ». Une broutille face aux 120 consultations quotidiennes assurées par ses homologues chinois. « Ici, la population est très consommatrice de médecins. On court à l’hôpital au moindre rhume. » Lui a choisi de privilégier le suivi plutôt que le débit, la confiance plutôt que la défiance. Quitte à « oser » certaines interventions, à l’instar d’une chimio pilotée à distance par une équipe de spécialistes. « Attention, il n’est pas question de jouer les têtes brûlées. Mon souci est de travailler dans l’intérêt du patient. Si une opération est possible, et sans autre alternative, on la tente. En définitive, j’aime ce pays pour ce que j’y apprends. » Une soif de savoirs comme revanche sur l’enfance.
Le glas d’un « âge d’or »
Gamin bègue et dyslexique, il galère à l’école élémentaire dans la RFA des années 1950. Il étudie ensuite le commerce, avant de décrocher le bac en 1968. « Rien ne me prédestinait à la médecine, encore moins aux langues étrangères. » Aujourd’hui polyglotte, il s’initie d’abord au français via la littérature. Ses idoles de l’époque se nomment Proust, Maupassant, Céline… À Paris, en 1972, il rencontre la veuve de ce dernier – médecin de formation – par le biais d’un ami : un événement fondateur. « Ce jour-là, j’ai trouvé ma vocation. ». À 25 ans, il quitte l’Allemagne pour rejoindre les bancs de la fac de médecine à Broussais. De 1974 à 1980, il y aiguise son « flair » : un atout pour déceler les maux derrière les mots. « Très intuitive, la médecine est pour moi un métier artistique, à la fois manuel et intellectuel. Un métier d’écoute et de terrain aussi. »
En 1982, il ouvre son cabinet en Moselle. Il y exercera vingt ans. « Nous étions cinq, chacun dans son village, à couvrir une vallée. » À la fin des années 1990, « le poids croissant des préoccupations médico-légales » sonne le glas d’un « âge d’or ». Il s’évade alors le temps de missions humanitaires en Mongolie, puis au Tibet : des expériences marquantes. « C’était dur, mais j’y ai beaucoup appris sur le fonctionnement médical à l’étranger. »
En 2001, il effectue une mission d’enseignement en Chine. Suite à une boutade, il se voit proposer un poste dans un hôpital américain à… Shanghai. « Pour plaisanter, j’ai dit que j’étais prêt à quitter les Vosges, si je trouvais un travail ici. Et on m’a pris au mot ! » Dans la foulée, un rendez-vous est organisé avec la direction de l’établissement. « J’ai été engagé sous réserve d’être présent le mois suivant. » De retour en Moselle, Kurt Matthaus a juste le temps de fermer son cabinet, avant de plier bagage. « À 54 ans, j’ignorais ce qui m’attendait, mais je savais ce que je ne souhaitais plus faire. »
Rompu aux situations de crise
Fort de ce mantra, il débarque à Shanghai en janvier 2002, en pleine épidémie du SRAS. « J’ai obtenu une dérogation des autorités locales pour réaliser des visites à domicile, une pratique interdite en Chine, où la médecine est exclusivement hospitalière, avec des praticiens tous spécialistes. » Rompu aux situations de crise, il devient rapidement « médecin-conseil » pour les consulats de France, d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, ainsi que pour diverses compagnies aériennes. « On me sollicite en cas de problèmes ou d’urgences, aussi bien administratives que médicales », résume Kurt Matthaus, régulièrement appelé à dénouer d’inextricables sacs de nœuds, en marge de ses consultations quotidiennes. À 66 ans, songe-t-il à raccrocher la blouse ? « Tant que je pourrai continuer à travailler en Chine, je ne lâcherai rien. »
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