De l’institut Curie à la place des grands hommes, il n’y a qu’un pas et dans le sillon de Marie, Dominique Stoppa-Lyonnet avance. Brillante chercheuse, premier auteur d’un article dans le « New England Journal of Medicine » avant même la fin de son internat, le Pr Stoppa-Lyonnet est une battante. Rien n’est insurmontable pour celle qui a affronté 10 ans durant la société de biotechnologie américaine Myriad Genetics afin de faire tomber les brevets qui plaçaient l’entreprise en situation de monopole sur les tests de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire.
Aujourd’hui même, la fondation pour la recherche médicale lui décerne le prix Jean Bernard au titre de son enrichissement des connaissances du public dans le domaine de la santé. Une nouvelle « médaille » sanctionnant la détermination de Dominique Stoppa-Lyonnet à expliquer et à convaincre. Trait de caractère qui l’amène, de temps en temps, à s’éloigner de son laboratoire.
De la paillasse à l’action publique
Même si le mot « cellule » fait rarement sourire la classe politique, cette généticienne est devenue suppléante de François Fillon dans la 2e circonscription parisienne en 2012. L’ancien Premier ministre l’avait trouvée compatible à plus d’un titre. Il s’en explique. « Dans son parcours professionnel, Dominique Stoppa-Lyonnet a démontré son engagement sans faille pour l’intérêt général. Sa force de conviction, sa droiture, sa passion et son sens du service nous ont rapprochés. » La greffe a pris. Dominique Stoppa-Lyonnet a été élue le 30 mars dernier conseillère de Paris pour le 5eme arrondissement, chargée de la santé, des solidarités et des professionnels de santé. « Elle est très impliquée ; il y a un souci profond chez elle de défendre le bien commun, le bien public », confie Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d’éthique.
Son engagement offre à Dominique Stoppa-Lyonnet la possibilité de débattre sur de multiples sujets de société. Avec un éclairage bien à elle : « Je suis outrée par les propos de certains sur l’euthanasie et la fin de vie. Des éditorialistes n’hésitent plus à en parler comme d’une variable d’ajustement des dépenses de santé et ces dérives me paraissent terrifiantes. »
Dans sa famille, deux générations de médecins la précèdent. Étudiante, elle se dirige spontanément vers Saint-Antoine, prépare l’internat en cancérologie. Devient faisant fonction d’interne en oncologie avec les professeurs Israël et Laugier, passe dans le service de Georges Mathé. Attirée par la cancérologie lourde à l’époque où l’on faisait des greffes de moelle osseuse, elle exerce aussi en réanimation neurologique à l’hôpital de Garches, fait de la réanimation chirurgicale avant d’atterrir en hématologie à l’hôpital Saint-Louis dans le service de Laurent Degos.
Sur la piste de la pol-éthique
Au milieu des années 80, elle s’engage en génétique avec son mari, spécialiste des malformations congénitales et des problèmes de développement chez l’enfant. Car chez les Lyonnet, la génétique est bel et bien une affaire de famille. Le Pr Stanislas Lyonnet insiste sur l’attachement irrévocable de son épouse à la dimension humaine des problèmes à résoudre. « Elle, qui a lu l’œuvre complète de Georges Simenon, me fait parfois penser à l’inspecteur Maigret qui s’intéresse au moindre détail dans le décor, recherche le fond de l’histoire, guidée par son côté sceptique, toujours critique sans jamais se décourager. »
Une ténacité bien utile dans l’exercice de ses nouvelles fonctions publiques. « Le monde politique est difficile. Il y a des chausse-trappes, des alliances, des séparations, mais aussi la possibilité de défendre des idées qui peuvent être utiles à la société. C’est avec bonne volonté et peut-être une certaine naïveté que je me suis engagée », confie cette femme qui a déjà fait ses preuves.
Sur les bancs du conseil de Paris, le Pr François Haab (MoDEM), chef de service d’urologie à l’hôpital Tenon, élu dans le 12e arrondissement, s’émerveille chez sa consœur d’une rigueur scientifique qui lui joue parfois des tours dans les temps de parole... qu’elle est la seule à respecter. « En politique, on brasse des idées qui n’ont pas toujours apporté la preuve de leur efficacité. C’est totalement nouveau pour elle, mais elle marque déjà des points », note François Haab. Il se félicite par exemple de leur combat commun pour proposer des logements sociaux aux jeunes internes à Paris. « C’est un tremplin pour encourager les installations de jeunes confrères et nous sommes sur la même longueur d’onde pour lancer cette expérimentation qui sera rigoureusement évaluée. Une approche scientifique encore trop rare en politique », s’amuse François Haab.
Les deux font la paire
Derrière ses yeux rieurs et une timidité de façade, Dominique Stoppa-Lyonnet observe et prend position sans élever la voix. C’est peut-être ce qui surprend le plus ses nouveaux interlocuteurs. Une apparence réservée qui cache une étonnante résistance. Cette marcheuse endurante à temps perdu, prend de la distance, analyse les situations avant d’agir. Une force peut-être transmise par un gène. Celui d’un père, généraliste dans le sud de la France, qui s’est éloigné de son cabinet pour assurer des gardes et faire de l’urgence. De quoi lui laisser le temps d’assouvir sa passion de toujours au plus haut niveau : le bridge. Jean-Louis Stoppa a été champion d’Europe en 1978, a entraîné l’équipe de France au plus haut niveau dans cette discipline. Les prix et les médailles ne se ressemblent pas, mais la recherche de l’excellence est peut-être aussi une question d’atavisme.
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