Vies de médecin

Mathieu Coulange : l'effet subaquatique

Publié le 28/07/2017
Mathieu Coulange

Mathieu Coulange
Crédit photo : DENIS JEANT

Avec un père chef de service en urologie et chirurgie de la transplantation rénale, professeur des universités très pris par son activité professionnelle, Mathieu Coulange a organisé ses loisirs d’enfant autour de la « grande bleue ». Son grand-père maternel, radiologue en Guadeloupe et passionné de mer, a eu une influence notable sur cet attrait. Le jeune Coulange a donc commencé la planche à voile très tôt dans un club de Marseille. Il a ensuite régaté jusqu’à un niveau européen, passé à l'adolescence son monitorat fédéral de voile, puis d’entraîneur. Il s’est limité à la pratique du fun board en dilettante, en parallèle de ses études de médecine, faute de temps.

Joindre passion maritime et médecine

Naturellement, il aurait souhaité s’orienter vers une médecine en lien avec la mer. Il a passé l’internat en médecine générale, puis s’est spécialisé en médecine d’urgence, discipline permettant de rencontrer des situations atypiques, de sortir du milieu aseptisé de l’hôpital et de se remettre souvent en question.

Quand on a un père professeur de médecine, on a tendance à vous rappeler que vous êtes « fils de ». Prendre ses distances permet de tracer votre chemin loin de certains a priori. Raison pour laquelle Mathieu Coulange a passé son internat en Avignon, puis en Guadeloupe – en Outre-mer, on voit des pathologies rares et on apprend beaucoup.

À l’hôpital, qu’est ce qui se rapproche le plus de la médecine maritime ? Eh bien, la médecine hyperbare vers laquelle il décide de s’orienter. Le Dr Coulange est rentré de Guadeloupe en 2002 car un demi-poste se libérait à Marseille. C’était au sein de l’hôpital Salvatore. Les caissons hyperbares étaient installés dans un hangar, le matériel vieillissant, les locaux archaïques, avec une démotivation d’une grande partie des équipes. La belle époque et les trente glorieuses étaient loin derrière.

Son service a ensuite été déplacé à l’hôpital Sainte-Marguerite. L’équipe, avec comme chef de service le Dr Alain Barthélemy, a tenté de relancer l’activité. Il a été moteur de cette nouvelle impulsion qui a permis d’augmenter très fortement l’activité clinique et de redevenir une référence internationale. Tout en optimisant le service rendu aux patients et en garantissant la pérennité de ce service atypique.

Une activité d’urgentiste diversifiée

Le Dr Coulange a complété son cursus par des études de science : il avait pris conscience de l’importance du milieu universitaire pour effectuer recherche et enseignement. Il a donc passé une thèse de science de physiologie intégrée en conditions extrêmes.

Quand on s’oriente vers une niche telle que la médecine hyperbare, qui n'est pas une spécialité de surcroît, il existe beaucoup d’inconnues. Il a donc développé la recherche au sein du service, en s’associant à une unité mixte entre l’université et l’armée. Mathieu Coulange a également voulu élargir son domaine de compétence au milieu maritime. Cet axe, unique en France, est aujourd’hui totalement intégré au service. Quant à l’enseignement des médecines hyperbare et de plongée, il s’est énormément développé avec des partenariats forts comme avec la Sécurité Civile, le service de santé des armées, l’Institut National de Plongée Professionnelle et la SNSM. Le Dr Coulange coordonne aujourd’hui trois enseignements inter-universitaires en médecines hyperbare, de plongée et maritime. Ces derniers attirent près de 70 étudiants tous les ans et s’exportent en Nouvelle-Calédonie, à La Réunion, aux Antilles et sur le bassin méditerranéen. Pour finir, il est également expert judiciaire près de la cour d’Aix-en-Provence et régulièrement sollicité par la Marine Nationale lors d’accidents de plongée au sein de ses unités.

Actions transversales à fort impact international

Médecin commandant, expert au centre national de plongée, de sauvetage aquatique et de survie de l’École d’Application de la Sécurité Civile, le Dr Coulange a, à ce titre, mis en place des actions de prévention chez les sapeurs pompiers. Mais pas que… Car il s’est rendu compte que les données sur les décès en plongée n’étaient que très parcellaires. Il s’est donc intéressé à la médecine légale, pour tenter d’en tirer des enseignements. Afin de réussir à intégrer ce milieu « confidentiel », le chef de service lui a conseillé de passer les diplômes de médecine légale comme préalable. Ceci lui a ouvert la « boîte de Pandore », avec un accès aux autopsies de plongeurs.

Mathieu Coulange s’est alors rendu compte de la complexité pour un légiste « non hyperbariste » d’analyser ce type d’accidents. Et de l’intérêt de travailler en collaboration sur le sujet. L’expérience des Suisses, qui utilisaient la virtopsie pour certaines indications, a été une inspiration. Le Dr Coulange a pensé que le scanner pourrait permettre de mieux observer les gaz in situ en cas d’embolies consécutives aux accidents de plongée. Les premières expériences ont été très spectaculaires en termes de résultat. En revanche, les gaz étaient-ils à l’origine de la mort ou post-mortem ? Une étude chez le cochon accidenté en milieu hyperbare a permis de lever le doute.

À la suite de cette expérimentation, toute une filière de prise en charge des décédés en plongée, a été mise en place, en collaboration avec l’AP-HM et la gendarmerie maritime. Depuis 10 ans, l’équipe totalise une centaine de cas, soit la plus grosse série mondiale. Les enseignements tirés ont précisé les facteurs favorisants les décès en plongée et ainsi permis d’adapter la prévention.

Cette démarche a été à l’origine de la création d’un centre de référence universitaire en virtopsie, actuellement reconnu dans le monde entier.

Article initialement publié le 15 juin 2017

 

Denis Jeant

Source : lequotidiendumedecin.fr
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