Dressée au-dessus du cadre de son vélo, Pauline Ferrand-Prevot essaye de garder son calme avant de s'élancer pour l'épreuve de cross-country. La championne du monde sur route 2014, championne du monde de VTT 2015 et championne du monde de cyclo-cross 2015 est une des grandes chances françaises de médaille. Si vous décalez votre regard, vous apercevrez un membre du staff médical qui comprend mieux que personne ce qui se passe dans la tête de la championne française : le Dr Maryline Salvetat.
Il y a encore sept ans, elle s'élançait sur les pistes avec un palmarès impressionnant : un titre de championne du monde de cross-country, 5 titres de championne de France de cyclo-cross, sans oublier plusieurs récompenses sur route, en VTT et sur piste où elle fut une des rares coureuses à rivaliser avec Jeannie Longo.
Aujourd'hui le Dr Salvetat assure le suivi des sportifs de haut niveau de l'équipe de France de cyclisme, cumulant les casquettes de généraliste, de rhumatologue, de cardiologue, de diététicien. Il faudrait même ajouter à la liste les rôles de préparateur physique et de mécanicien, à en croire son ancien parrain, le Pr Daniel Rivière du service d'exploration de la fonction respiratoire et de médecine du sport de l'hôpital Larrey, à Toulouse. « Tous les médecins du sport doivent un petit peu être des champions, mais quand une Maryline Salvetat donne des conseils ou qu'elle est confrontée à des pathologies sportives, elle est écoutée car elle est vraiment crédible », affirme-t-il.
Son passé de sportive a permis au Dr Savletat de « prendre du recul vis-à-vis de la compétition, analyse-t-elle. Je peux expliquer aux jeunes qu'ils doivent faire attention à leur santé, et penser à eux et à leur avenir avant de penser à leur passion de la compétition. Je comprends aussi leur désarroi vis-à-vis d'une blessure. »
Une question d'équilibre
Pour en arriver là, il a fallu trouver l'équilibre entre le sport amateur de haut niveau et la vie professionnelle. Le Dr Salvetat est un des très rares médecins sportifs à y être parvenu. Un autre célèbre exemple étant le Dr Philippe Boisse, radiologue et champion olympique d'escrime à deux reprises dans les années 1980 et plusieurs fois champions du monde.
La jeune génération qui monte n'est d'ailleurs pas forcément toujours au courant. « Cet hiver, nous étions cinq dans une camionnette, avec des coureurs trop jeunes pour connaître son palmarès, se souvient son frère Éric Salvetat, également dans l'encadrement de l'équipe de France de Cyclo Cross. Ils s'étaient bien rendu compte qu'elle était à leur écoute lors de la préparation, mais c'est en recherchant son nom sur Google qu'ils ont compris à quel point elle maîtrisait bien son sujet. »
La quarantaine épanouie, le sourire et l’accent pétillants, le Dr Maryline Salvetat fait partie de ces personnes avec qui il est agréable de converser par téléphone. « Je suis d’une famille de la terre, explique-t-elle. Je ne voulais pas faire médecine mais kiné. Je suis donc entrée à la fac de médecine de Toulouse Rangueil mais n'ai pas eu le concours de kiné, alors que j’ai eu celui de médecine en 1994. »
L'infection par le virus du cyclisme a lieu à l’âge de 14 ans, en cadette, quand elle s'engage dans la roue de son frère féru de compétitions. En accord avec le directeur de lycée, elle sacrifie le latin pour la pratique sportive. « Mon collège et mon lycée m’ont beaucoup aidée dans la pratique du sport de haut niveau », se souvient-elle. Les résultats sont déjà là : 2 titres de championnes de France sur route en 1991 et 1992 et une 4e place au championnat du monde Junior de 1992, avant une traversée du désert de dix ans.
La modestie des grands champions
C'est après l'âge de 18 ans que concilier sport de haut niveau et études de médecine s'avère délicat. Malgré une pointe de regret, elle doit mettre la pédale douce sur sa carrière sportive. « C'est presque bien tombé, puisque j'ai eu une blessure au genou au même moment », se souvient-elle. Le futur Dr Salvetat bénéficie d'un contrat conclu entre l'administration de la faculté, elle-même et son parrain : le Pr Daniel Rivière qu'elle compare affectueusement « aux Pr Tryphon Tournesol », la surdité en moins. Un tel contrat permet de rater des TD et des TP normalement obligatoires lors des compétitions importantes, des sélections ou des stages. « C'est une personne exceptionnelle ! affirme le Pr Rivière, du point de vue cycliste comme médical, avec une mentalité parfaite : toujours souriante, et dotée de la modestie des grands champions. »
« Quand j'étudiais, je regrettais de ne pas m'entraîner assez, et quand je m'entraînais, je regrettais de ne pas suffisamment étudier. Dans un même temps, le cyclisme était une bouffée d'air dont j'avais besoin pour garder mon équilibre », explique la championne. Cela ne l'empêche pas d'enchaîner un DU de nutrition du sport, un DU de podologie du sport et sa capacité de médecine du sport tout en écrivant sa thèse, le tout avec « une organisation millimétrée », se souvient son frère Éric Salvetat. « La soutenance a été empreinte d'émotions », selon le Pr Rivière qui salue « la passion pour le sport et la médecine » de son ancienne filleule chez qui il n'a jamais « senti la moindre tentation de devoir choisir entre les deux. Elle a su se montrer assez intelligente pour gérer les deux, en sacrifiant les objectifs sportifs mineurs afin de se consacrer, sur le long terme, à des objectifs majeurs. »
Retour triomphal
Le retour dans le peloton à la fin de l'Internat en 2002, est triomphal avec un premier titre de championne de France de cyclo-cross. « Une amie m'avait promis de me prendre ma garde si je gagnais le titre, se remémore-t-elle. C'était un moment très fort car il s'était écoulé dix ans depuis que j'avais gagné mon précédent titre en junior ». Elle remportera le titre de nouveau en 2004, 2005, 2007 et 2009.
L'année 2007 sera l'année de la consécration, avec un titre de championne du monde du cyclo-cross et un titre de championne de France de contre-la-montre sur route. L’époque est alors marquée par la domination écrasante de Jeannie Longo. « Tout le monde se battait pour la deuxième place sauf elle qui courait pour gagner », lance le Pr Rivière. L'année suivante, c'est l'aventure olympique sur route à Pékin, hélas non récompensée par une médaille.
Pontchateau, près de Nantes, est une ville qui compte beaucoup pour Marilyne Salvetat, puisqu'après y avoir obtenu un titre de vice champion du monde en 2004 c'est sur cette terre bénie par les dieux du cyclo-cross qu'elle remporte son dernier titre de championne de France avant la retraite. « Je voulais rendre hommage aux bénévoles, à tous ceux qui se bougent dans les clubs pour rendre ce sport vivant », insiste-t-elle.
Si elle est descendue de selle, Marilyne n’a pas chaumé. Devenue médecin des équipes de France de cyclisme en février 2012, elle continue à assurer des activités de médecin généraliste remplaçante et de consultante pour l'industrie pharmaceutique. Cette boulimique d'activité s'est également attaquée à un autre challenge : élever un petit Esteban de 5 ans « nourri aux pommes de terre du jardin de papy », rigole-t-elle, un futur coureur qui fait déjà beaucoup pédaler sa mère dans les côtes.
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