Sexe : masculin. Âge : 26 ans. Originaire de région parisienne. Interne en médecine. Voilà pour l’état civil de l’auteur de la bande dessinée, Vie de Carabin, plus connu sous le pseudo Védécé (ou VdC), un clin d’œil au père de Tintin, Hergé (rebaptisé d’après les initiales inversées de son nom, Georges Rémi).
On n’en saura pas plus. Question de confidentialité pour un étudiant qui aspire à la « tranquillité ». D’où sa volonté d’en « révéler le moins possible » sur lui : « L’anonymat me préserve de tous les soucis », assure-t-il. Seuls ses amis et sa famille connaissent son identité. Par le passé, quelques confrères l’ont également percé à jour, suite à une chronique évoquant un cas médical spécifique à son service. « Leurs réactions ont été plutôt positives. »
Un ancien chef, qui l’avait démasqué, est même allé jusqu’à épingler ses dessins derrière son bureau. « Cela fait plaisir bien sûr, mais à l’hôpital, j’aime bien être exclusivement considéré comme un médecin. Je ne sais pas ce que penseraient mes collègues ou mes patients de ma double casquette. »
Il faut dire que l’interne ne se prive pas de les croquer dans ses chroniques illustrées sur le monde médical, révélées en 2011 sur Facebook. « Au collège, j’étais du genre à faire des dessins dans les marges de mes cahiers. Je les montrais à mes amis, puis en médecine, j’ai commencé à les faire tourner dans les amphis. » En 4e année, l’étudiant les poste sur son Facebook personnel. Quelques semaines plus tard, sur les conseils d’amis, il crée une page dédiée sur le réseau social. Rapidement, celle-ci fédère une petite communauté d’étudiants en médecine, confrontés aux mêmes réalités et difficultés.
« Je me suis lancé dans cette voie pour la relation humaine. Après le bachotage du début, je pensais apprendre quelques gestes médicaux en entrant en externat : massage cardiaque, pose de perf, etc. » Première désillusion : « Je me suis en fait retrouvé à faire du secrétariat, ranger des dossiers, brancarder des patients… Bref, boucher les trous ici et là. » Cet état des lieux, loin des discours, l’incite à prendre le crayon (ou plutôt la souris) pour raconter son quotidien.
Poil à gratter
Saison après saison, sa plume s’aiguise, son graphisme se précise, sans abandonner pour autant ce qui est devenu sa marque de fabrique : des visages noirs, réduits à la plus stricte expression, pour cause d’anonymat et de secret médical. « Au départ, je bouclais vite mes dessins pour pouvoir me replonger dans mes révisions. Le succès venant, je me suis octroyé plus de temps pour les travailler. »
Fort de son audience croissante, il n'hésite pas non plus à davantage se lâcher, « pour évacuer ». En bon poil à gratter, il mélange bulles humoristiques et commentaires sur l’actualité, médicale de préférence, comme ses récentes prises de position sur les déserts médicaux ou le don de sang des homosexuels. Ses chroniques n’éludent ni le sang, ni les peurs, ni les dérives, ni les polémiques… Quitte à susciter quelques débats, voire critiques en ligne.
« Certains estiment que mon ton n’est pas adapté au sujet et que je ferais mieux de conserver un regard neutre en tant que médecin. Mais, globalement, rares sont les messages agressifs », confie l’auteur, repéré dès 2013 par la société S-Editions, spécialisée dans les ouvrages médicaux pour étudiants. Une petite consécration pour celui qui rêvait, enfant, d’être dessinateur : « J’ai sauté partout quand ils m’ont contacté. Jamais je n’aurais pensé un jour être édité. » Pas question toutefois pour lui de compiler ses posts sur Facebook. « Je voulais sortir un album dans la même veine, mais avec un contenu inédit. J’ai eu carte blanche sur le contenu. Libre à moi d’évoquer tous les sujets qui me font réagir. » Une absence de censure confirmée par son éditeur, Arnaud Dupin : « Védécé dessine suivant ses humeurs et c’est justement ce qui est intéressant. »
3e tome en projet
Après quelques mois de travail, le tome 1 de Vie de Carabin débarque en librairies à Noël. Vu son accueil public (20 000 exemplaires vendus à ce jour), un 2e opus est programmé dans la foulée. Internat oblige, deux ans seront cette fois nécessaires pour boucler les 136 pages de ce nouvel album, publié en novembre dernier. « Et un 3e volume est déjà en projet ! », lâche le carabin.
Depuis mars, il livre également un dessin hebdomadaire au site Internet du Figaro étudiant. Preuve que sa notoriété dépasse aujourd’hui le cadre médical. Un succès qui « attise la convoitise de gros éditeurs », glisse Arnaud Dupin, tout en incitant le jeune auteur à continuer, malgré le temps qui se raréfie. « On m’avait prévenu qu’en internat, les conditions de travail se durcissaient. C’est pire que ce que j’imaginais. » Une cadence infernale qu’il ne se prive pas de dénoncer dans ses bandes dessinées et qui lui laisse peu le loisir de réfléchir à son avenir. À ce sujet, le futur praticien n’a encore rien planifié, à l’image de ses chroniques, « dessinées au jour le jour, sans arrière-pensée ». En attendant la fin de ses études, ses BD lui permettent juste de mettre un peu de beurre dans l’assiette de pâtes quotidienne de l’interne. « Mais vu le temps que j’y consacre, cela ne s’avère pas très rentable… » Des bulles, oui, buller, pas question !
Déjà disponibles chez S-Edition : « Vie de Carabin, tomes I (96 pages, 14 €) et 2 » (136 pages, 15 €)
Article initialement publié le 5 septembre 2016
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