Elle nous reçoit dans son pavillon à Marseille, la ville où elle est née, où elle a grandi, et où elle veut vivre. La première fois, au bout du fil, elle s’est dite surprise que l’on s’intéresse à elle.
« Vous savez, je n’ai pas suivi une carrière hospitalo-universitaire », avait-elle confié comme pour s’excuser. Cécile Colavolpe a 33 ans. Depuis le 1er janvier dernier, elle est PH à temps plein en médecine nucléaire à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM). Il y a dix ans, la jeune femme arrivait en tête des 3 729 candidats des épreuves classantes nationales (ECN), qui ont remplacé le concours d’internat. « C’est arrivé de façon inattendue, jure-t-elle. J’avais beaucoup travaillé. Je n’avais aucune idée de ce que je souhaitais faire. Je voulais terminer dans les 200 premiers pour avoir le choix de ma spécialité et pouvoir rester dans le Sud de la France où j’ai ma famille et le soleil. »
Être major, « ce fut la cerise sur le gâteau ». Une source de fierté « pour ses parents », tous deux médecins. Car chez les Colavolpe, on naît médecin. La mère est radiologue ; le père anesthésite-réanimateur, responsable des transplantations et des greffes d’organes à l’AP-HM, et a son bureau en face de celui de Cécile. La sœur est radiopédiatre, également à Marseille.
« Petite, Cécile voulait être vétérinaire mais elle est rapidement tombée dans la marmite », s’amuse son père Jean-Christian. La performance de Cécile aux ECN aurait pu lui ouvrir les portes d’à peu près tous les services hospitaliers de France. Elle a d’ailleurs reçu quelques propositions, notamment une formation aux États-Unis. « Ce résultat m’a aussi mis une certaine pression car tout le monde me voyait un parcours prestigieux. » Mais Cécile Colavolpe est têtue ; elle a « son plan de carrière ». Qui en étonne plus d’un. « Dans mon esprit, elle était programmée pour avoir un avenir hospitalo-universitaire compte tenu de son parcours », explique Jean-Christian. Il se souvient de l’esprit de compétition de sa fille, voulant toujours être première même au ski, ou enrageant après une défaite au tennis. La jeune femme a évolué. « À l’image de sa génération, elle a préféré concilier son rôle de mère et de médecin plutôt que d’être moins présente pour ses enfants et son mari. Il faut du courage pour se dire qu’il y a d’autres priorités que la vie professionnelle. »
Coup de cœur pour un cardiologue
Cécile préfère l’activité hospitalière, l’interprétation des examens d’imagerie et le contact avec les patients plutôt que les charges universitaires, la recherche fondamentale et les publications scientifiques. Elle suit donc son « intuition ». Lors de son premier semestre de cardiologie, elle rencontre son futur mari, Xavier, aujourd’hui cardiologue libéral. Elle effectue ensuite deux semestres de radiologie et un 4e en médecine nucléaire. Là aussi, c’est le coup de foudre… pour la spécialité. « L’imagerie, c’est ce qu’il me fallait, je ne voulais pas faire de la médecine d’organe. » Cette discipline au carrefour de plusieurs autres spécialités médicales (cancérologie, cardiologie, rhumatologie…) lui offre un exercice intellectuellement stimulant, lui permet de faire de la recherche clinique et de bénéficier des dernières innovations technologiques dans le traitement des cancers. Le centre européen de recherche en imagerie médicale (Cerimed) qui sera prochainement inauguré à Marseille, disposera d’un cyclotron. « J’aimerais beaucoup m’y impliquer », explique le Dr Colavolpe. La jeune médecin a intégré une équipe médicale restreinte et « conviviale ». En médecine nucléaire, pas de garde, d’astreintes ou d’urgences. Ses horaires lui permettent après 18 heures de s’occuper de ses deux enfants, Arthur (2 ans et demi) et Alix (2 mois). « Je suis très satisfaite de mon choix, c’est un juste équilibre pour concilier ma vie personnelle et professionnelle », résume-t-elle. Pour ses enfants, la jeune mère a également « travaillé ». « Elle se documente beaucoup, nous confie son mari Xavier. Elle a lu Laurence Pernoud de A à Z. »
Pédagogue et investie
Son chef de service, le Pr Olivier Mundler, ne regrette pas d’avoir accueilli Cécile Colavolpe. Il ne manque d’ailleurs pas de superlatifs à son égard : « C’est une nana au-dessus du lot, efficace brillante et très organisée. » La jeune femme se distingue dans ses multiples activités. « Elle a une très forte capacité d’apprendre et de faire apprendre, elle est une excellente pédagogue », affirme aussi son collègue, le Pr Éric Guedj. En dehors du monde médical, Marie-Aude, son amie depuis le lycée ajoute encore : « Cécile a beau avoir des capacités intellectuelles hors normes, elle n’écrase pas les autres. Elle est toujours prête à prendre du temps pour expliquer les choses. »
À défaut d’être PU-PH, Cécile Colavolpe participe à la formation des internes et des externes dans le service. Enseigne dans un DU d’oncologie digestive. Donne des cours de lecture critique d’article dans la prépa privée marseillaise qui l’a formée. Est impliquée dans la démarche qualité de son service de médecine nucléaire (gestion des risques, événements indésirables…) et dans une association de formation continue. « Elle fonctionne vite, elle a des qualités remarquables mais parfois elle peut être intransigeante avec les gens qui ne vont pas aussi rapidement qu’elle », confie le Pr Mundler.
Cécile Colavolpe a choisi de ne pas sacrifier sa vie de famille mais a gardé un contrôle absolu de sa carrière.
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