Psychiatrie

Troubles psychiques : ne pas négliger l’enquête étiologique

Publié le 11/11/2016
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Malgré les recommandations, la prescription de psychotropes reste trop banale en Ehpad. Établir un diagnostic précis est essentiel pour éviter des prescriptions inadaptées.
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les pathologies psychiatriques sont extrêmement fréquentes chez les personnes âgées, au point de devenir quasiment la règle dans les institutions. Selon une enquête de la Drees réalisée en 2007 (dossier Solidarité et Santé, n°22, Dress 2011), 82 % des résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées souffrent d’au moins une pathologie neuropsychiatrique. Ces troubles sont, bien sûr, plus fréquents dans les Ehpad et les unités de soins de longue durée que dans les établissements non médicalisés. Leur traitement est compliqué par le fait que les psychotropes doivent être prescrits avec une grande prudence chez les sujets âgés, car le risque iatrogène est plus élevé avec des effets secondaires, somnolence et hypotension orthostatique en particulier, exposant à des complications telles que les chutes.

La dépression, trop méconnue

La dépression est souvent méconnue, la tristesse n’étant pas toujours manifeste chez les personnes âgées, alors que les plaintes somatiques sont volontiers au premier plan. L’intrication fréquente avec une démence ou des troubles cognitifs de moindre sévérité complique encore le diagnostic. Des troubles du sommeil – insomnie ou hypersomnie – , une anorexie, une fatigue sont des signes évocateurs. Pour le Pr Frédéric Limosin, chef du service de psychiatrie de l’adulte et du sujet âgé à l'hôpital Corentin-Celton, « il est essentiel d’être attentif à toute modification récente du comportement. Il est possible de s’aider d’échelles, comme la GDS 15 ou la mini-GDS, chez les personnes sans déficit cognitif, et l’échelle de Cornell, en cas de troubles cognitifs ».

La psychothérapie, très appréciée

L’entrée en institution est une période particulièrement délicate car elle fait souvent suite au décès du conjoint ou à des problèmes de santé, et bouleverse le contexte de vie. Comme pour les adultes plus jeunes, la psychothérapie a une place importante dans la prise en charge de la dépression du sujet âgé. Le frein tient au manque criant de psychologues et psychiatres au sein des Ehpad.
Le traitement pharmacologique de la dépression du sujet âgé repose sur les mêmes molécules que chez les personnes plus jeunes, mais en étant plus prudent sur les posologies. « Il est possible de parvenir aux doses habituellement prescrites chez l'adulte plus jeune, mais cela doit être progressif et il faut être encore plus vigilant sur les contre-indications et les effets secondaires, observe le Pr Limosin. Par exemple, on évite en première intention les tricycliques, moins bien tolérés sur le plan cardiovasculaire. » Il est également important de savoir que le délai d’action des antidépresseurs est retardé chez les personnes âgées. « Chez l’adulte jeune, il est de 10 à 15 jours. Et, après 4 à 6 semaines, on sait si la molécule est efficace ou non, remarque le Pr Limosin. Chez le sujet âgé, on recommande d’attendre plutôt 6 à 8 semaines avant de conclure que l’antidépresseur n’est pas efficace et de changer de molécule. »
Les symptômes anxieux peuvent masquer un trouble dépressif sous-jacent. Le traitement requis est alors un antidépresseur. Or, trop souvent, sont prescrites des benzodiazépines qui n’ont pas d’effet sur la dépression. L’anxiété peut aussi survenir isolément, souvent secondaires aux modifications du contexte de vie, à l’apparition de troubles cognitifs ou encore à des pathologies somatiques. L’approche psychothérapique doit être alors privilégiée. Les benzodiazépines, en particulier celles à demi-vie longue, responsables de troubles cognitifs et de chutes, doivent être évitées au maximum, même en cas de troubles anxieux caractérisés (HAS).
Quant aux troubles psychotiques d’évolution chronique, au premier rang desquels la schizophrénie, leur symptomatologie a tendance à se modifier avec l’âge. Les symptômes productifs – hallucinations, délires – ont tendance à diminuer en intensité et fréquence, au profit de davantage de symptômes négatifs, cognitifs  ou encore dépressifs.
De manière générale, le généraliste doit faire appel au psychiatre, dès qu'il a un doute sur l’étiologie des troubles observés ou lorsqu’il s’agit d’adapter un traitement psychotrope « de fond ». Des équipes mobiles de psychiatrie du sujet âgé se sont développées sur le territoire ces dernières années, avec pour mission de se déplacer auprès du patient âgé dans les Ehpad. Elles permettent de porter des diagnostics, de mettre en place le suivi spécialisé le plus adapté et d’éviter des passages aux urgences, voire des hospitalisations, très éprouvants pour la personne âgée. Cette offre de soins nécessite d’être encore développée.

Voir aussi : Des troubles psychocomportementaux fréquents

Dr Isabelle Leroy

Source : lequotidiendumedecin.fr