Urologie

L’incontinence urinaire, un défi organisationnel

Publié le 11/11/2016
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Fréquente en institution, l’incontinence urinaire nécessite une recherche étiologique, pour adapter la prise en charge en tenant compte des troubles cognitifs.

L’incontinence urinaire est un problème quasi constant en Ehpad. Elle touche une femme sur trois entre 70 et 75 ans.
40 à 70 % des femmes vivant en institution, 7 % des hommes de plus de 65 ans, et plus de 28 % des hommes au-delà de 90 ans.
« Sa prise en charge est singulièrement compliquée par les troubles cognitifs qui concernent plus de la moitié des résidents », souligne le Dr Caroline Levasseur (chef de service médecine gériatrique, hôpital Charles-Nicolle, CHU de Rouen). Elle constitue une charge de travail importante pour les soignants, notamment pour la gestion des protections urinaires qui sont, en pratique, d’usage courant pour les patients les plus dépendants.
Sur le plan sémiologique, il est bien difficile de faire la différence entre l’incontinence urinaire à l’effort et l’incontinence sur urgenturie (fuites précédées d’un besoin impérieux d’uriner) ou les mictions par regorgement sur vessie dilatée. Plus prosaïquement, la personne âgée combine differents facteurs de risque et divers facteurs étiologiques pour aboutir, dans la majorité des cas, à des troubles mictionnels mixtes. « Il peut s’agir d’impériosité mais aussi de manque de ressenti du besoin, en raison de troubles cognitifs », complète la spécialiste.
Dès l’entrée en résidence, la personne âgée est évaluée tant au plan cognitif qu’au niveau de sa continence urinaire, pour savoir s’il s’agit d’une incontinence chronique et pouvoir disposer d’une évaluation clinique initiale. Un calendrier mictionnel permet de mieux inventorier les troubles et d’établir des protocoles de mictions urinaires selon les horaires et les fréquences renseignés dans ce support.
En cas de rétention aiguë ou d’incontinence récente, une bandelette urinaire est effectuée. Si la bandelette urinaire est positive en faveur d’une infection urinaire, un Ecbu est fait avec l’instauration d’un traitement antibiotique adapté à l’antibiogramme. L’autre étape décisionnelle est la recherche d’un résidu post-mictionnel. « Nous disposons d’un Bladder scan qui permet de mesurer le résidu post-mictionnel », précise le Dr Levasseur. La cause peut être diabétique, une hypertrophie prostatique, une vidange vésicale imparfaite ou une rétention urinaire chronique qui distend le muscle lisse vésical. Dans le cas de rétention chronique, peu de solutions existent. En revanche, en cas de rétention urinaire aiguë, la cause doit être recherchée. Elle peut témoigner d’un fécalome. « C’est la première étiologie à rechercher », indique le Dr Levasseur.

Les anticholinergiques n’ont pas de place en Ehpad

Contrairement à ce qui est fait dans la prise en charge de seniors non dépendants, les anticholinergiques qui ont un intérêt dans l’hyperactivité vésicale n’ont pas (ou peu) de place en Ehpad, car leur impact cognitif n’est pas compatible avec des patients dont le MMS (Mini Mental Status) est diminué (< 15). « Il faut arrêter les anticholinergiques car ils sont très délétères sur les troubles cognitifs », avertit la spécialiste. « Il faut veiller au bon usage du médicament. Nous incitons le médecin traitant à la déprescription ou à ne pas instaurer les anticholinergiques car ils n’améliorent pas la fonction urinaire chez les patients dépendants »,  dit-elle.
Il n’est évidemment pas question non plus d’envisager une rééducation périnéale, car les patientes ayant des troubles cognitifs risquent de très mal l’accepter.
Enfin, la persistance d'un résidu supérieur à 400 ml après avoir éliminé et traité les facteurs étiologiques (atropiniques, fécalome, infection urinaire) conduit à mettre une sonde à demeure, faute d’alternative satisfaisante.
 

Dr Muriel Gevrey

Source : lequotidiendumedecin.fr