L’immunogénicité vaccinale chez les sujets âgés est peu explorée mais c’est un fait : les vaccins dans leur ensemble sont moins immunogènes à partir d’un certain âge. « Par exemple, illustre le Dr Odile Launay, professeur à l’université Paris Descartes, infectiologue à l'hôpital Cochin et coordinatrice du Réseau national d'investigation clinique en vaccinologie, nous disposons, pour le vaccin zona, de données qui montrent une moins bonne protection vis-à-vis du risque de développer la maladie et de présenter des complications qui sont liés à une immunogénicité moindre, notamment les titres en anticorps qui sont plus faibles. »
Sénescence immunitaire
Cette efficacité amoindrie du vaccin est à mettre sur le compte de l’immuno-sénescence propre aux personnes âgées. La sénescence immunitaire touche principalement l’immunité à médiation cellulaire avec une diminution de la production de nouveaux lymphocytes CD4 et de leur capacité à s'activer. Ce phénomène a un impact à la fois sur la quantité des anticorps produits et sur la durabilité de cette réponse aux anticorps.
« Les seniors ont une diminution de l’immunité à médiation cellulaire qui se traduit par une baisse de la réponse immunitaire vis-à-vis de tous types de pathogènes infectieux, (bactériens, parasitaires ou viraux), détaille le Pr Frédéric Batteux, responsable de service d’immunologie (GH Cochin, Paris). Cela s'explique d'une part par une diminution de la production de nouveaux lymphocytes T. En effet, la taille du thymus – lieu de formation des nouveaux lymphocytes T – diminue dès l’âge de 20 ans pour être très réduite vers 70 ans, ce qui limite le nombre et la diversité des lymphocytes T produits et génère potentiellement des difficultés pour répondre à des agents jamais rencontrés. D'autre part, des anomalies qualitatives s’ajoutent à ce déficit quantitatif de production des lymphocytes T auxiliaires CD4, ce qui diminue l'activation de ces cellules lorsqu'elles rencontrent un agent infectieux ou un antigène vaccinal. »
Globalement, l’immunité humorale est moins touchée par l’immunosénescence même si le nombre et l'activation des lymphocytes B sont, eux-aussi, influencés par l'âge. Cependant, combiné avec le déficit des lymphocytes T CD4, l'impact sur l'immunité humorale est bien réel.
Des stratégies vaccinales spécifiques
À cette immunosénescence «?physiologique » s’ajoutent souvent des facteurs nutritionnels (malnutrition, dénutrition, carence en vitamine D…) eux-mêmes sources d’un affaiblissement du système immunitaire. « Attention aussi aux infections intercurrentes souvent observées chez les personnes de plus de 65 ans, avertit Le Pr Batteux. Certaines d’entre elles (maladies auto-immunes, cancer…) impactent le système immunitaire et peuvent s'ajouter à l’immunosénescence pour, éventuellement, diminuer la réponse aux vaccins. Dans ce cas, des schémas vaccinaux spécifiques doivent être envisagés. »
Pour autant, « cela ne veut pas dire que les réponses anticorps induites par la vaccination sont insuffisantes chez les seniors, nuance Fréderic Batteux. Par exemple, le vaccin antigrippal entraîne dans cette population une amplitude réduite de la réponse immunitaire par rapport à un sujet jeune mais on obtient un titre d’anticorps suffisant pour prévenir l’infection?», du moins partiellement (lire encadré).
Même si avec l’âge la mémoire immunitaire (et donc la durée de protection conférée par la vaccination) diminue, l'adaptation des stratégies vaccinales chez les seniors permet d'obtenir une réponse immunitaire
satisfaisante sur la durée.
Notamment, en raison de cette immunosénescence, les rappels dTP (diphtérie-tétanos-polio) restent recommandés tous les 10 ans à partir de 65 ans alors qu'on est passé à tous les 20 ans aux âges de 25, 45 et 65 ans. Dans le cas de la vaccination anti-pneumococcique, l’utilisation de vaccins conjugués, plus immunogènes chez le sujet âgé que les vaccins polyosidiques, pourrait aussi permettre d’améliorer la protection vaccinale des seniors. Le vaccin conjugué anti-pneumoccocique à 13 valents (Prevenar® 13) a désormais une AMM chez les plus de 50 ans et pourrait constituer une alternative au vaccin pneumococcique polyosidique à 23 valences (Pneumo® 23) qui offre une couverture sérotypique plus large mais dont l’immunogénicité chez les sujets de plus de 60 ans est faible.
L’étude CAPITA conduite chez 85 000 personnes de plus de 65 ans permettra d’en évaluer l’efficacité clinique dans la prévention des pneumopathies chez les sujets de plus de 50 ans non-immunodéprimés. Pour le moment, le HCSP réserve la vaccination antipneumoccocique aux sujets à risque et continue de préconiser l’emploi du Pneumo 23 chez l’adulte sauf en cas d’immunosuppression où le vaccin conjugué est alors recommandé.
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