La constipation est plus fréquemment retrouvée chez les personnes âgées. Elle est de l’ordre de 40% en institution, et de 15 à 25% chez les personnes vivant à domicile. Toutefois, ces chiffres, qui sont basés sur les déclarations des personnes, pourraient être au-dessus de la réalité. Se sentir constipé, n’est en effet pas forcément « être constipé ».
« Malheureusement, c’est trop souvent sur ce sentiment de constipation que le diagnostic est posé », regrette le Pr Philippe Chassagne (gériatre, CHU de Rouen). Il existe pourtant des critères précis pour le diagnostic de constipation qui ont été développés par un panel d’experts internationaux : les critères de ROME III (voir encadré p. 28). « Mais ces critères sont peu connus et peu utilisés par les médecins. Ce qui aboutit à des prescriptions prolongées et pas toujours adéquates », poursuit le gériatre.
Après recherche et exclusion d’une cause organique ou d’une constipation secondaire, le diagnostic doit être établi sur la présence de ces critères. Ce qui implique de poser des questions au patient sur la nature de ses selles et de sa défécation, des sujets encore très tabous.
Les spécificités de l’âge
De plus, il faut garder à l’esprit que la constipation chez le sujet âgé de plus de 80 ans a ses spécificités. Tout d’abord, elle est toujours associée à des comorbidités et des facteurs gériatriques.
Ensuite, « la majorité des seniors sont polymédiqués avec des molécules qui peuvent entraîner une constipation (opioïdes, antidépresseurs…) », rappelle le Pr Philippe Ducrotté (gastro-entérologue, CHU de Rouen). Aborder la polymédication doit donc devenir un réflexe dans ce contexte. Autre facteur de
risque : les régimes pauvres en fibres, des apports hydriques limités, une mobilité réduite et des désordres cognitifs ou neurologiques. Notamment la maladie de Parkinson qui est souvent à l’origine de constipation.
Côté physiopathologie, « on retrouve souvent chez le senior un émoussement de la sensibilité rectale, ce qui entraine des problèmes d’évacuation, voire de fécalome », poursuit Philippe Ducrotté. Par ailleurs, le système nerveux du tube digestif (le système nerveux entérique) est moins dense en neurones chez le senior. Ainsi, le tube digestif devient moins sensible à différents stimulus, un certain nombre d’arcs réflexes et de réponses motrices sont altérés ».
Une prise en charge d’abord «?environnementale?»
En cas de constipation fonctionnelle, la première des prises en charge, surtout en institution, est de s’assurer que la personne se trouve dans un environnement favorable. « En EHPAD ou en maison de retraite, il s’agit pour les soignants d’un réel travail d’équipe très chronophage, évoque le Pr Chassagne. Il s’agit de conduire les personnes aux toilettes, de leur laisser du temps pour déféquer, de vérifier leur bonne hydratation, qu’ils mangent suffisamment de fibres ». Mais la mission n’est pas toujours facile, voire possible chez des personnes atteintes de troubles cognitifs sévères.
On regardera aussi, sur le versant iatrogénique, s’il est possible de diminuer les doses de médicaments pouvant être à l’origine de la constipation, voire de changer de molécule. Ensuite, il importe de détecter le risque de récidive de fécalome en vérifiant par toucher rectal la vacuité ou non du rectum. Aussi le médecin gardera toujours à l’esprit que la constipation après 80 ans peut se compliquer en incontinence anale, plus problématique.
Quant aux traitements, on débute par une prescription à durée déterminée d’un laxatif osmotique, de type lactulose ou polyéthylène glycol, des molécules très bien tolérées. En seconde intention, on peut envisager le recours à un laxatif stimulant dans les constipations rebelles. Mais le message à retenir est de réévaluer le traitement au bout de 15 jours ou 3 semaines. Et toujours selon les critères de ROME. Si la constipation a disparu sur des critères objectifs, on pourra arrêter le traitement. « Aujourd’hui, ce n’est pas suffisamment le cas et beaucoup trop de patients sont traités par des laxatifs sur le long terme », martèle le Pr Chassagne. En revanche, le traitement au long cours peut être instauré si la maladie est véritablement chronique.
Enfin, en cas de constipation d’exonération, on prescrit un laxatif osmotique par voie générale, associé à un laxatif de contact. On cherche ainsi à vider l’ampoule rectale à l’aide de suppositoires, une ou deux fois par jour pour évacuer le bouchon. En dernier recours, on peut pratiquer des lavements, avec la présence d’une infirmière, par un médecin spécialiste, un gériatre ou un gastro-entérologue.
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