DANS sa forme typique, chez la femme de 30 ans, la maladie de Verneuil se traduit par des atteintes axillaires et inguinales et des cicatrices en corde, sans comédons. Dans sa forme folliculaire, les localisations atypiques et les kystes, épidermoïdes le plus souvent, dominent le tableau, tandis que la forme fessière, qui touche préférentiellement les hommes, expose au risque de cancer épithélial.
Les lésions typiques sont constituées de nodules, douloureux, évoluant vers l’abcédation et la fistulisation (les trajets fistuleux doivent être bien précisés pour la prise en charge thérapeutique) et de comédons. Des ulcérations sont possibles, le plus souvent dans les formes associées à une maladie de Crohn, qui représentent 2 à 3 % des cas. Les complications aiguës, telles que surinfection à staphylocoques ou lymphœdème, sont rares. Les lésions conduisent à des cicatrices en corde, hypertrophiques.
Il s’agit d’une maladie chronique, dont le retentissement sur la qualité de vie est souvent sévère, même dans les formes modérées.
La physiopathogénie de la maladie de Verneuil reste mal connue. L’occlusion folliculaire est la caractéristique la plus souvent retrouvée ; un déficit de l’immunité innée dans la racine des poils, conduisant à l’inflammation et l’infection par des germes banals est évoquée. Certains facteurs sont associés à une incidence accrue, en particulier le tabagisme, sans preuve d’un lien de causalité, le sexe féminin (sex-ratio de 3 femmes pour un homme) et le surpoids. Ce dernier est également un facteur de gravité, tout comme les antécédents d’acné sévère ou les localisations atypiques.
Une fois le diagnostic posé, la sévérité de la maladie doit être évaluée en prenant en compte la gravité intrinsèque des lésions, ce que permet la classification de Hurley, et leur évolutivité (nombre de nouvelles lésions par mois et nombre de lésions actives). « La classification de Hurley permet de distinguer 3 grades, mais est peu utile pour le suivi car il n’y a pas de passage d’un grade à un autre », a souligné le Pr Jean Revuz. Le score de Sartorius est quant à lui plus chirurgical que médical. L’évaluation de la douleur, au moyen d’une échelle visuelle analogique par exemple, est indispensable en pratique quotidienne, alors que les scores de qualité de vie trouvent surtout leur place dans les essais cliniques. Le HS PGA (physician global assessment), récemment développé, apparaît très utile.
« La maladie de Verneuil, maladie chronique, impose une prise en charge au long cours, dont l’importance doit être bien intégrée par le patient », a insisté le Pr Revuz. La stratégie thérapeutique est le plus souvent médicochirurgicale. Le traitement médical vise à empêcher la survenue de nouvelles lésions, ou à les faire avorter, et à réduire le recours à la chirurgie, souvent réalisée en urgence pour soulager la douleur. L’incision d’un abcès fluctuant ne doit pas être systématiquement suivie d’un méchage, source de soins très douloureux. L’exérèse des lésions chroniques suppuratives doit être confiée à un chirurgien expérimenté, car la bonne reconnaissance des trajets des sinus et des fistules est essentielle pour réduire les récidives.
« Certaines mesures d’hygiène de vie sont préconisées, au premier rang desquelles la perte de poids. L’arrêt du tabac est souvent très difficile à obtenir et ne s’accompagne pas toujours d’une amélioration clinique. Le port de vêtements amples est recommandé. En revanche, il est inutile de mettre la maladie au compte d’une mauvaise hygiène corporelle, ou d’interdire le rasage ou l’usage de déodorants », a insisté le Pr Revuz.
Dans les formes modérées intermittentes, le traitement vise à éviter l’incision-drainage aux urgences. Une antibiothérapie auto-administrée (amoxicilline-acide clavulanique notamment) dès l’apparition des signes prémonitoires est dans ce cadre intéressante. L’injection intralésionnelle de corticoïdes peut également permettre l’involution de lésions précoces.
Dans les formes modérées avec répétition fréquente des épisodes, un traitement antibiotique continu (cycline, macrolide) peut être utile.
Dans les formes plus sévères, hautement inflammatoires, l’administration pendant 10 semaines d’une association rifampicine-clindamycine (à des posologies ajustées au poids) donne souvent de bons résultats.
D’autres outils thérapeutiques sont en cours d’évaluation, notamment les anti-TNF, dont le rapport bénéfice/risque les fait réserver pour l’instant en 3e intention ou le laser Nd:Yag, en externe ou en sonde.
Conférence inaugurale sur la maladie de Verneuil, d’après la communication du Pr Jean Revuz (Paris).
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