LES MÉDECINS GÉNÉRALISTES, en raison de l’impact de leur discours auprès de leurs patients sont un des leviers les plus importants dans l’incitation des personnes concernées à réaliser ces dépistages. Qu’en est-il en pratique ? De nombreuses communications ont apporté un éclairage sur les pratiques actuelles et les améliorations à apporter.
De l’importance de la communication avec le patient.
Le cancer colorectal est, en France, au 3e rang des cancers en incidence et au deuxième rang en mortalité. Le dépistage a son intérêt puisque détecté à un stade précoce, le taux de survie par cancer à 5 ans dépasse 90 %. Le dépistage est généralisé depuis 2008 par le test de détection de sang occulte dans les selles (Hemoccult II), proposé tous les 2 ans aux patients de 50 à 74 ans, suivi d’une coloscopie en cas de positivité. Avec un taux de participation de 50 %, ce dépistage permettrait de diminuer la mortalité de 15 à 20 %. Or, le taux de participation au dépistage a été de 32,1 % en 2010-2011, inférieur aux recommandations européennes (45 %). Des travaux précédents ont identifié de nombreux obstacles au dépistage, tant côté médecin que côté patient. Des enregistrements de consultation ont mis en évidence des problèmes de communication de la part des médecins qui se concentraient surtout sur l’aspect technique de la réalisation du test. Peu de place était laissée au patient et à ses interrogations. Une formation des médecins généralistes à la communication permet-elle d’augmenter le taux de participation de leurs patients au dépistage ? Les résultats positifs d’un essai d’intervention randomisé auprès de deux groupes de médecins généralistes ont été rapportés par Anne Youssefian (Paris) (1). L’intervention a consisté en une formation de 4 heures, axée sur la communication avec le patient. Les deux groupes de médecins étaient comparables en terme d’âge, sexe, ancienneté d’installation, milieu d’exercice et type d’installation, avec 17 médecins dans le groupe intervention et 28 dans le groupe témoin. Il existait une différence significative (p = 0,04) entre le groupe intervention et le groupe témoin à l’issue des 7 mois de l’étude sur le critère majeur de jugement : nombre de tests réalisés dans la population éligible de chaque médecin (36,67 % pour le groupe intervention versus 24,47 % pour le groupe témoin).
Une autre étude a confirmé le rôle du médecin généraliste dans le suivi du patient, après un test Hémoccult positif (2). Dans ce travail (Émilie Ferrat, Créteil), ont été inclus tous les sujets ayant eu un test Hémoccult positif entre juin 2007 et décembre 2010 dans le Val-de-Marne (n = 2 369). 998 (45,3 %) sujets ont réalisé une coloscopie précocement, 989 (44,6 %) tardivement (délai› 58 J) et 102 (4,7 %) n’ont pas réalisé de coloscopie ; aucune information n’était disponible pour 119 (5,4 %). En analyse multivariée, il apparaissait que l’absence de réalisation de la coloscopie après un Hémoccult positif était influencée par des facteurs socio-économiques et le comportement du MG. Des interventions pour augmenter le suivi devraient cibler les sujets habitant dans les quartiers défavorisés. L’observance est meilleure en cas de test remis par le MG plutôt que reçu à domicile.
Les facteurs d’inégalité.
En France, la participation au dépistage du cancer du sein dans le cadre du dépistage organisé était de 52 % en 2010 (Invs), assez loin des 70 % espérés par l’OMS pour une diminution significative de la mortalité. La lutte contre les inégalités d’accès et de recours aux dépistages constitue une priorité du plan cancer 2009-2013. Les caractéristiques associées à l’absence de dépistage sont peu étudiées en France. Les objectifs du travail mené par Claire Rondet (Paris) étaient d’étudier les déterminants de la participation au dépistage des cancers du sein et de l’utérus (3). L’analyse a porté sur la cohorte SIRS (Santé, Inégalités et Ruptures sociales) conduite en 2010 portant sur un échantillon de 1 819 femmes représentatives de la population générale interrogées en face à face. Ont été incluses, 1 725 femmes de 25 ans ou plus, pour le frottis et 614 femmes de 50 ans ou plus, pour la mammographie. Les résultats montrent que 6,5 % des femmes n’ont jamais fait de mammographie et 8,8 % n’ont jamais fait de frottis de dépistage. 20,2 % ne sont pas à jour de leur mammographie et 17,1 % ne sont pas à jour de leur frottis. Les immigrées et les Françaises issues de l’immigration constituent des groupes particulièrement à distance du dépistage de ces cancers : OR = 2,93 ; IC 95 % [1,25-6,87] pour l’absence de mammographie et OR = 5,05 ; IC 95 % [3,35-7,86] pour l’absence de frottis chez les immigrées. Des politiques de dépistage « universalistes renforcées » doivent être soutenues.
(1) Abstract n° 234.
(2) Abstract n° 40.
(3) Abstract n° 84.
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