Paris, 3-5 avril 2014. Un communicant à la barre. Au centre de la prévention et du dépistage, de la prise en charge des maladies chroniques et de l’éducation thérapeutique, parfois praticien de premier recours en urgences : nombreuses sont les casquettes du médecin généraliste... Mais il/elle est aussi un communicant hors pair, qui doit maîtriser les techniques de communication, de l’information du grand public, les situations de crises et l’art de convaincre. Cela vaut pour appliquer les recommandations comme pour fluidifier l’organisation des soins, et l’intérêt de la recherche autour de ce thème prouve que même les sentiments se travaillent.
Le taux de couverture du dépistage du cancer du col par la réalisation d’un frottis tous les trois ans stagne à 57 % environ. Seules 10 % des femmes respectent ces intervalles, 50 % ne sont pas ou peu dépistées, les obstacles se partageant entre facteurs sociaux et humains. Moins de 10 % des Frottis du col de l’utérus (FCU) sont pratiqués par les médecins généralistes. Or leur implication est un déterminant important, à un moment où la démographie des gynécologues médicaux est en baisse constante. On connaît assez bien leurs freins éventuels, mais on a peu de données sur ceux des femmes prêtes à faire réaliser leur frottis par le généraliste.
Un examen mal vécu
Deux études dirigées par Laurence Compagnon s’attachent à déterminer les freins des femmes à la réalisation du FCU. La première explore les représentations de l’examen gynécologique et du FCU chez 18 femmes de 26 à 64 ans, de différents niveaux socio-économiques et culturels, ciblées par le dépistage du cancer du col dans le Val-de-Marne, mais ne l’ayant pas réalisé depuis plus de trois ans (1). La seconde est une étude qualitative par entretien semidirectif de 27 patientes majeures à jour de leur suivi gynécologique, réalisé par un autre professionnel que le généraliste (2).
Ces travaux retrouvent les obstacles déjà connus à la réalisation d’un FCU, dont une sorte de fatalisme vis-à-vis du cancer, l’angoisse générée par le dépistage, et une confusion entre dépistage et diagnostic. Même bien suivies, les femmes n’ont qu’une connaissance très floue du frottis et de son objectif. L’examen est souvent reporté par celles qui ne sont pas à jour, pour qui il a fréquemment un caractère gênant et intrusif, éventuellement dégradant ou brutal, et son vécu est aggravé en cas de manque d’empathie du professionnel quel qu’il soit. Ce vécu reste souvent désagréable voire douloureux ou angoissant pour les femmes bien suivies, même si elles passent outre. La question du sexe du médecin, bien qu’évoquée régulièrement, n’est pas la raison prépondérante d’un manque de suivi. Deux données nouvelles viennent nous surprendre : le col de l’utérus apparaît ainsi comme un organe mal connu, avec un côté mystérieux et flou ; certaines femmes expriment d’autre part une position antidépistage.
Des généralistes appréciés
Les principaux obstacles au choix d’un généraliste sont la méconnaissance de ses compétences gynécologiques, son sexe, avec une préférence pour les généralistes femmes, et un besoin de « cloisonner l’intime » en séparant ce qui touche à la sphère génitale des autres suivis. S’ajoutent plusieurs raisons inconnues jusqu’ici : la peur des femmes de favoriser la disparition des gynécologues en ayant recours au généraliste, dont elles craignent aussi qu’il soit surchargé de travail, une tradition familiale du gynécologue dans certaines familles, le poids de la recommandation du professionnel par une amie, par exemple.
L’étude révèle aussi des éléments favorables au suivi gynécologique par le généraliste : leur disponibilité et la proximité de leur cabinet, le tarif des consultations, à l’inverse du cloisonnement de l’intime, la possibilité d’avoir une prise en charge globale, et la qualité de la relation médecin-patiente.
Les leviers à retenir pour améliorer la participation au dépistage sont globalement une meilleure diffusion de l’information et le développement des compétences relationnelles. Pour encourager le recours au généraliste, il s’agira pour le médecin d’informer ses patientes de ses compétences gynécologiques, d’être disponible et à l’écoute, de bien sûr respecter la confidentialité et d’avoir une très bonne relation avant, pendant et après l’examen.
(1) Suivi des femmes. Représentations de l’examen gynécologique et du frottis cervico-utérin par les femmes non-participantes au dépistage du cancer du col utérin. Laurence Compagnon, Vitry-sur-Seine.
(2) Dépistage du cancer du col. Représentations des femmes sur le frottis cervico-utérin et sa réalisation par le médecin généraliste. Laurence Compagnon, Vitry-sur-Seine.
Voir aussi : Les inégalités sociales se construisent tout au long du parcours de soin. Retrouvez nos articles pur web sur les déterminants du dépistage du cancer du col, le score individuel de précarité en soins primaires, et l’enquête sur l’état de santé des migrants en médecine générale, sur notre site www.lequotidiendumedecin.fr
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