Iatrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé

Que retenir de l’actualité ?

Publié le 07/10/2013
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Crédit photo : S Toubon

Le risque d’Infarctus du myocarde est multiplié par 2,2 le 1er mois d’initiation d’un traitement antipsychotique. Ce risque s’estompe progressivement sur 1 an, selon l’étude canadienne (1) récente sur l’initiation d’un traitement antipsychotique chez 29,5 % de 37 000 patients déments sous IAC. Le risque thromboembolique veineux se confirme avec les 2 générations d’antipsychotiques (risque x 2,3 avec la 1re et x 1,85 avec la 2e) sur une méta-analyse (2) de 7 études (5 cas-contrôles, 2 cohortes, 370 516 patients). Celui d’AVC et de saignements digestifs augmente sous antidépresseurs à haute affinité pour la sérotonine (duloxétine, fluoxétine, paroxétine, sertraline, escitalopram), dans une étude récente (3) qui différencie les inhibiteurs à faible, moyenne ou haute affinité pour la sérotonine. Le risque d’hypotension orthostatique sous inhibiteurs calciques (4), peut être augmenté (3 à 5 fois) par certains macrolides (érythromycine, clarithromycine) par interaction avec le cytochrome P450 ; mais pas l’azithromycine.

Risques d’arythmies graves avec de nombreuses molécules

ARITMO (17 centres en Europe et une base nationale de pharmacovigilance) signale un risque de troubles du rythme ventriculaire (allongement de QT, torsades de pointe) accru avec 9 antipsychotiques (acépromazine, amisulpride, aripiprazole, cyamémazine, lévopromazine, loxapine, olanzapine, tiapride, zuclopenthixol), 3 anti H1 (alimémazine, cétirizine, loratadine) et 3 anti-infectieux (amphotéricine B, itraconazole et quinine). L’Agence Britannique du Médicament (MHRA) pointe ce même risque avec l’escitalopram et appelle à la vigilance : il est dose-dépendant et peut être potentialisé par la dépakine, le fluconazole, l’oméprazole, le topiramate…

Troubles du rythme ventriculaire et risque de mort subite sont aussi soulignés sous dompéridone (+ 40 % par rapport à une population traitée par IPP) et (+ 59 % par rapport à la population témoin) par 2 publications récentes (5). Vigilance en prescrivant la dompéridone a fortiori en cas de coprescription d’antiarythmique. Risque d’arythmie et de mort majorés par les bêta 2 mimétiques, de courte durée d’action (+27 %) et de longue durée d’action (+ 47 %) lors d’une prescription nouvelle 5 307 arythmies dont 621 fatales chez 76 661 patients, 2 études canadiennes (6). Les agences signalent avec l’olanzapine injectable, des troubles du rythme ventriculaire, hypotension, dépression respiratoire.

Démence et d’addiction.

Les benzodiazépines sont associées à une augmentation de 50 % du risque de démence (60 % après ajustement). Après 15 ans de suivi (étude prospective (7) sur 20 ans en Dordogne et Gironde, d’une cohorte de 1 063 plus 65 ans avec plusieurs analyses de cohorte, 1 étude cas-témoins), 253 démences apparaissent chez 32 % des patients exposés aux benzodiazépines, et 23 % des sujets non exposés. L’une des forces de l’étude est le respect une période d’observation initiale de 3 ans minimum sans benzodiazépines (elle élimine l’hypothèse d’une prescription de benzodiazépines visant à traiter les 1ers signes de démence). Des effets addictifs sont signalés avec les benzodiazépines mais le sont aussi avec un antidépresseur, la tianeptine. L’ANSM rapporte (juillet 2 012) 45 nouveaux cas notifiés de dépendance à la tianeptine (dont 36 après 75 ans). La tianeptine, proche de l’amineptine (toxicomanogène retirée du marché en 1999), est le seul antidépresseur inscrit sur la liste des stupéfiants (ordonnances sécurisées limitées à 28 jours et reconductibles).

Pneumopathies

Le risque accru significatif de pneumopathie communautaire avec les IPP et les AntiH2 (méta-analyse (8), 31 études) surtout démontré en population générale communautaire est effet-dose, mais non corrélé à la durée d’exposition. Le pouvoir tussigène des IEC (voie des kinines) pourrait réduire le risque de pneumopathie.

Cancers et décès sous hypnotiques

Les hypnotiques s’associent à un risque de décès (x 3) et de cancer (x 1,35) par rapport à une population témoin, après 5 ans d’observations (9)

D’après un entretien avec le Pr Claude Jeandel, Coordonnateur du Département de Gérontologie, Chef de Service Court Séjour Gériatrique, CHU Montpellier.

(1)Pariente A. et al., Arch Intern Med, 2012 Apr ; 23 ; 172 (8) : 648-53

(2)Allenet B. et al., Parmacoepidemiol Drug Saf. 2 012 Jan ;21(1):42-8. doi : 10.1 002/pds.2210. Epub2011 Nov 4.

(3) Castro VM. et al., BMJ Open, Mar 30 ; 2 (2) : e000544.Print2012

(4) Alissa J. et al., CMAJ Feb. 22, 2011 vol. 183 no. 3 First published January 17, 2011, doi : 10.1 503/cmaj.100702

(5) Johannes C.B. et al., Pharmacoepidemiol. Drug Saf, 2010 vol.19 (9) p.881-8

(6) Wilchesky M. et al, Chest. 2 012 ; 142 (2) 298-304 et305-311

(7) Billioti de Gage S. et al., BMJ, 2 012 vol. 345 pp. e6231

(8) Chun-Sick E. et al., CMAJ 2 011.DOI : 10.1 503/cmaj.092129

(9) Kripke DF.et al., BMJ Open, 2 012 vol. 2 (1) pp. e000850

. Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9269