DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, les voies de la douleur sont explorées par les chercheurs en sciences fondamentales pour mieux les comprendre. La voie ascendante (ou spinothalamique) est maintenant assez bien connue et de compréhension aisée : le message nociceptif est acheminé au cortex cérébral, etc. (lire encadré). Cependant les voies sont beaucoup plus complexes. Elles sont souvent responsables d’un rétrocontrôle de l’information douloureuse par facilitation ou inhibition de l’influx nerveux correspondant. Ces voies sont connues depuis les années 1960-1970 et mettent en jeu des structures du tronc cérébral comme la substance grise périaqueducale, lamédulla ventromédiale rostrale (RVM), ou encore le thalamus. Elles dysfonctionnent dans de nombreux syndromes douloureux chroniques et deviennent des cibles thérapeutiques privilégiées, avec des efficacités restant modestes.
Au cours d’un séminaire de ce congrès, le Dr Earl Carstens (États-Unis) a présenté les différents systèmes impliqués dans la régulation de l’influx douloureux et leur application pharmacologique. On distingue ainsi les opioïdes, la sérotonine (5-HT), la norépinéphrine et la dopamine.
• Les opioïdes, en plus d’agir au niveau de la corne dorsale de la moelle (lieu du premier relais ganglionnaire de l’influx douloureux ascendant, lire encadré) interviennent également dans le contrôle par la voie descendante. Par le biais de la substance grise périaqueducale et de la RVM, la morphine entraîne une régulation des neurones nociceptifs au niveau de cette corne dorsale via des cellules inhibitrices ou excitatrices du message douloureux.
• La famille des 5-HT (la sérotonine), regroupe sept sortes de récepteurs, notés de 1 à 7, qui comportent aussi plusieurs sous-types (principalement 1A, 2A, 3 et 7). Des neurones issus de la RVM se projettent sur la corne dorsale de la moelle pour inhiber la transmission de l’influx nerveux en pré- et post-synaptique.
Cela se fait directement ou via un interneurone inhibiteur, excité par la voie descendante des 5-HT. C’est notamment le cas pour le 5-HT3, qui est la cible de la sérotonine, particulièrement utilisée dans les douleurs chroniques, à l’aide des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
• La norépinéphrine joue également un rôle dans l’inhibition du message douloureux. Elle se fixe également sur plusieurs sous types de récepteurs : α1 (A, B, D) α2 (A, B, C) et ß1, ß2, ß3. Une des cibles thérapeutiques de cette voie est le catapressan, un agoniste α2, mais qui devant ces effets secondaires notamment cardiaques ne s’utilise qu’en intrathécale (délivrance continue dans le LCR). Cette voie d’administration est bien sûr réservée aux douleurs réfractaires complexes et pas en première intention. Cependant cette cible pourra être l’objet de développement pharmaceutique futur.
• La dopamine se fixant sur deux familles de récepteurs D1-like (D1, D5) et D2-like (D2, D3, D4), est impliquée dans l’allodynie.
Analgésies endogènes.
Cependant, il faut noter aussi que l’activation de l’analgésie endogène par la voie descendante ne se limite pas qu’à une voie activée par la douleur elle-même. Il est maintenant admis que l’attente de soulagement a également une influence : c’est l’effet placebo. Le stress également est un puissant inhibiteur du message douloureux. Ainsi, si la douleur permet de régler l’homéostasie du corps, son intensité est régulée par le stress, l’attente de soulagement (le psychisme) et la douleur elle-même.
En cas de douleur chronique, cette homéostasie est déséquilibrée voire rompue. Une meilleure compréhension permet d’aborder différemment les thérapeutiques classiquement utilisées dans cette indication, mais également d’imaginer des cibles pharmaceutiques. Les douleurs chroniques sont en effet un problème majeur actuel tant pour les patients que pour la société elle-même. Les traitements se développent mais gardent une efficacité relative. Il est donc indispensable de comprendre et connaître la complexité des douleurs chroniques pour les appréhender de façon plus satisfaisante.
D’après la communication du Dr E. Carstens (États-Unis).
(1) Ossipov Michael H, Dussor GO, Porreca F. Central modulation of pain. J Clin Invest. 2010 Nov;120(11):3779-87.
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