UN GRAND NOMBRE d’études sur les animaux depuis le début des années 1970 suggère que l’exposition aiguë et chronique aux opiacés aboutit assez paradoxalement au développement de la sensibilité à la douleur et aggrave potentiellement une douleur préexistante, un phénomène appelé l’hyperalgésie induite par les opioïdes (HIO).
Cela soulève la question importante de savoir si l’administration d’opioïdes chez les humains entraîne aussi une HIO, une condition qui peut rendre les patients non seulement plus sensibles à la douleur, mais particulièrement à la douleur chronique. Dans notre espèce, ce paradoxe a été démontré dans trois catégories de patients : ceux ayant eu une chirurgie, les anciens toxicomanes substitués par méthadone et les volontaires sains.
Chez les patients substitués par méthadone, il existe une HIO pour les stimuli de froid ; elle est moindre pour les stimuli électriques et inexistante pour les pressions mécaniques. Chez les patients ayant eu une chirurgie, il a été montré que ceux recevant des doses importantes et prolongées d’opioïdes en per opératoire avaient une douleur et une consommation d’opioïdes en postopératoire plus importante. Ces phénomènes se retrouvent chez les volontaires sains : par exemple, il existe une hyperalgésie induite par les opioïdes lorsqu’ils sont délivrés avant de réaliser une lésion de la peau.
L’adjonction de kétamine (anti-NMDA) ou de clonidine (Catapressan), un agoniste α2, permet de diminuer l’HIO. Le mécanisme physiopathologique semble être : une sensibilisation du nerf périphérique ; une facilitation du message nociceptif par les voies descendantes (lire aussi XXXX) ; une production, un relargage et une diminution de la recapture de neurotransmetteur nociceptif dans la première synapse ; une sensibilisation du deuxième neurone nociceptif.
Essais cliniques.
En plus des séances plénières relatant cet état des lieux, trois travaux intéressants ressortent du congrès. Une première étude concerne l’administration concomitante de lidocaïne et de kétamine en intraveineux pour des patients atteints de cancer et ayant une hyperalgie induite aux opioïdes. L’équipe du Dr Eker (Turquie) a administré ces produits trois fois à une semaine d’intervalle en perfusion d’une heure. Les patients douloureux (de 6 à 10 sur l’échelle numérique) ont eu une diminution de leur intensité douloureuse (de 2 à 6 c’est-à-dire une diminution de 3 à 7 unités sur les 10 que comporte cette échelle). Ainsi cette équipe turque insiste-t-elle sur l’utilisation de ces produits en cas d’HIO chez les patients atteints de cancer.
Une équipe néerlandaise menée par le Dr H. van Goor s’est, quant à elle, intéressée à l’HIO chez les patients ayant une pancréatite chronique. Il a été réalisé une étude en double aveugle, placebo versus S-kétamine (2 µg/kg/min pendant 3 heures), qui ne montre pas de différence entre les deux groupes pour l’intensité de la douleur mais une différence de douleur à la pression. Les auteurs concluent qu’il pourrait être intéressant d’investiguer sur des populations plus importantes que les 10 patients observés dans cette étude.
Enfin, l’effet de la gabapentine, impliquée dans les systèmes de régulation descendante, a été comparé par des médecins de Trinidad et Tobago (Dr Ganess et coll) à l’effet de la kétamine et du placebo pour 45 patientes opérées du petit bassin. Il est retrouvé une consommation moins importante de morphine en postopératoire dans les groupes kétamine, des vomissements plus importants dans le groupe gabapentine et une douleur d’intensité similaire pour les trois groupes. Ce qui conduit à penser que la gabapentine est peu efficace dans l’hyperalgésie induite aux opioïdes.
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