Avec un âge médian de survenue de 47 ans, le rhumatisme psoriasique n’est pas rare chez le sujet âgé. Dans 90 % des cas, ces rhumatismes surviennent dans un contexte psoriasique présent, passé ou familial (il existe cependant 10 % de rhumatisme psoriasique sans psoriasis). Le plus souvent, le psoriasis cutané précède le rhumatisme, ce qui facilite le diagnostic.
Une maladie à multiples facettes
Il s’agit d’une maladie articulaire inflammatoire complexe à multiples facettes (articulations périphériques, rachis et enthèses). Sa présentation clinique est extrêmement variable puisque des atteintes articulaires axiales à prédominance cervicodorsale et des sacro-iliites périphériques intéressant en priorité les doigts et les orteils et enthésitiques telles que le calcanéum peuvent exister isolément, successivement, ou en association chez un même malade. Les atteintes périphériques peuvent être mono- ou plus souvent oligo- ou polyarticulaires. L’arthrite interphalangienne distale est souvent précoce, peut être isolée ou s’intégrer dans le cadre d’un doigt ou d’un orteil en « saucisse ».
L’existence de rhumatismes propres ou non au sujet âgé implique un nombre important d’éventualités diagnostiques. L’analyse clinique et l’élimination des diagnostics différentiels sont nécessaires avec quelques repères. Le rhumatisme psoriasique a une présentation initiale souvent oligoarticulaire et asymétrique, le facteur rhumatoïde et les AC anti-CCP sont généralement absents.
Faire un diagnostic le plus précocément possible
Les situations ne sont pas toujours simples, rappelle le Pr Claudepierre (CHU Henri-Mondor, Créteil) : « Le diagnostic en cas d’atteinte interphalangienne distale est plus compliqué chez la personne âgée que chez l’adulte jeune : toute poussée congestive douloureuse des doigts n’est par forcément une arthrose douloureuse mais peut parfois être un rhumatisme psoriasique et, à l’inverse, chez un patient ayant un psoriasis cutané, cette même poussée douloureuse des extrémités n’est pas forcément un rhumatisme psoriasique, mais peut être une poussée d’arthrose ».
Il importe de faire le diagnostic d’arthrite au stade le plus précoce possible, afin d’éviter le développement de lésions destructrices. Dans 30 % des cas en effet, le rhumatisme psoriasique détruit les articulations par un mécanisme synovial et surtout d’inflammation des enthèses, petites structures le plus souvent fibro-cartilagineuses correspondant à la partie toute terminale des tendons, des ligaments ou des capsules articulaires à l’endroit de leur insertion dans l’os.
Une prise en charge thérapeutique adaptée
La stratégie thérapeutique chez le sujet âgé, potentiellement similaire à celle de la polyarthrite rhumatoïde, est adaptée à la forme clinique et fonction de l’âge. Elle est relativement proche de celle du patient plus jeune, réserve faite de l’analyse méthodique de la fonction rénale, des comorbidités et des interactions médicamenteuses éventuelles.
« Si une grande prudence thérapeutique est de règle dans le traitement du rhumatisme psoriasique de la personne âgée, en même temps il ne faut pas banaliser certaines arthrites interphalangiennes distales qui peuvent devenir destructrices en quelques mois ; ce n’est pas parce qu’une personne est âgée qu’il est licite de les laisser évoluer. L’imagerie – radiographie et IRM – est alors d’un grand secours. La présence ou non de lésions érosives très précoces incitera à traiter de façon “incisive” ou à pouvoir rester plus attentistes », souligne Pascal Claudepierre.
Le traitement repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, mais s’ils sont facilement prescrits chez le malade jeune, ils ne sont utilisés qu’avec une grande parcimonie chez le patient âgé après s’être assuré d’une excellente fonction rénale et de l’absence d’antécédent gastro-intestinal (en particulier gastrite, ulcère, diverticulite), ainsi que de l’absence d’interaction médicamenteuse (antivitamines K, aspirine et autres anti-agrégants en particulier).
Les corticostéroïdes peuvent être utilisés en infiltration locale, 2 à 3 fois par an, dans les petites articulations distales gonflées en cas de mono- ou oligo (pauci)- arthrites mais leur utilisation per os est toujours à éviter compte tenu de leur toxicité globale, du risque de corticodépendance avec poussée cutanée, voire érythrodermie psoriasique grave. Si cela ne suffit pas, ou si la maladie est très active, un traitement de fond par méthotrexate s’impose, l’âge n’étant pas en lui-même une contre-indication en l’absence d’atteinte hépatique et d’insuffisance rénale, mais avec une posologie moindre.
Une utilisation raisonnée des biothérapies
Lorsque le méthotrexate n’a pas fait la preuve de son efficacité ou en cas de cytolyse hépatique, un recours à une biothérapie par anti-TNF alpha peut être discuté. Dans ce cas, une substitution peut être préférée contrairement aux sujets jeunes pour qui l’anti-TNF alpha est souvent associé au méthotrexate en cours. L’utilisation raisonnée des biothérapies est désormais bien établie chez le sujet âgé avec une attention toute particulière pour le risque infectieux (estimé à 2 %). Il faut éliminer un foyer infectieux profond, vérifier l’absence de contact ancien avec le bacille de Koch, et de diabète non contrôlé, d’un herpès récurrent, vérifier également le carnet vaccinal et vacciner le patient contre le pneumocoque. Pour les patients à risque infectieux et/ou atteint d’un rhumatisme psoriasique pas trop agressif, la substitution se fera de préférence avec la sulfasalazine ou le léflunomide.
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