Les syndicats de médecins libéraux représentatifs et l'Assurance-maladie entament ce mercredi, à 14 h 30, au siège de la CNAM, un round de négociations pour conclure une nouvelle convention quinquennale. Acteurs, enjeux, contexte, calendrier : voici ce qu'il faut savoir pour comprendre ce feuilleton qui devrait se prolonger jusqu'à l'été.
• Protagonistes : cinq syndicats, la CNAM… et les complémentaires
La négo 2016 aura à la fois un petit air de déjà-vu et un vrai parfum de nouveauté. Certes, on retrouvera autour de la table les cinq mêmes syndicats qui viennent d'être à nouveau déclarés représentatifs des médecins libéraux (CSMF, FMF, MG France, SML et Le BLOC), les seuls ainsi habilités à négocier et parapher la nouvelle convention médicale.
Mais plusieurs leaders médicaux ont changé depuis la précédente négo, qui vivront leur baptême du feu. À la tête de la CSMF depuis mars 2014, le Dr Jean-Paul Ortiz, successeur de Michel Chassang, conduira la délégation confédérale ; au SML, c'est le Dr Éric Henry qui est aux manettes depuis décembre 2014.
Du côté de l'Assurance-maladie : Nicolas Revel, directeur général de l'UNCAM, aura la lourde tâche de succéder à Frédéric van Roekeghem pour conduire ces délicates négociations (appuyé de ses équipes techniques, statisticiens, médecins-conseils…). Depuis la réforme de 2004, c'est en effet le directeur – parfois qualifié de proconsul – qui dirige seul le jeu conventionnel, sous étroite surveillance du ministère de la Santé.
À noter enfin que l'Union nationale des organismes d'assurance-maladie complémentaire (UNOCAM, qui réunit les trois familles du secteur - mutuelles, assureurs, institutions de prévoyance) participera bien aux négociations (une délibération a été adoptée à l'unanimité en ce sens).
• Calendrier, décor : six mois pour conclure
Ce mercredi, c'est « un tour de chauffe », confirme Marisol Touraine au « Quotidien ». La convention actuelle signée le 26 juillet 2011 arrive à échéance le 26 septembre prochain. La date butoir pour conclure une nouvelle convention est donc fixée au 26 août, ce qui laisse six mois aux partenaires pour trouver un compromis. À défaut d'accord, l'échec des négociations sera constaté et l'arbitre indépendant, Bertrand Fragonard, qui sera désigné officiellement aujourd'hui, saisi.
Après la prise de contact de ce mercredi 24 février, les médecins et l'Assurance-maladie se retrouveront le 16 mars « pour entrer dans le dur » autour des questions de démographie, d'installation et de valorisation du médecin traitant. Selon nos informations, les séances se dérouleront ensuite au rythme d'une par semaine jusque début mai et seront consacrées aux spécialités cliniques, aux spécialités techniques, à la ROSP, à la prévention, l'accessibilité financière, aux relations conventionnelles et à la protection sociale…
Au terme de ces ateliers thématiques, réunions plénières, conciliabules discrets, coups de fil du cabinet ministériel… le directeur de l'Assurance-maladie espère aboutir à un accord à la fin juillet.
Les sujets qui réclament des arbitrages au plus haut niveau de l'État (quel niveau pour la hausse du C ? Quel sort pour le secteur II, le contrat d'accès aux soins ?) sont souvent abordés très tardivement, voire lors de la séance conclusive, volontiers nocturne, contribuant à la dramaturgie du scénario.
• Contexte : profession échaudée et carcan budgétaire
Trois facteurs marquent les négos 2016. Le premier est la forte contrainte financière, l'Assurance-maladie devant économiser environ 3 milliards d'euros par an d'ici à la fin du quinquennat, dans le cadre d'un ONDAM limité à 1,75 %. Le directeur général Nicolas Revel a déjà expliqué qu'il faudrait faire des choix, appelant de ses vœux des revalorisations tarifaires structurantes et intelligentes.
Autre donnée incontournable de la toile de fond conventionnelle : le divorce entre la profession et l'exécutif avec un conflit médical larvé qui a jalonné toute l'année 2015. Au rejet massif de la réforme du tiers payant généralisé (et de la loi de santé) est venu s'ajouter un début de guérilla tarifaire après cinq années de blocage du tarif du C.
Troisième élément : pour la première fois, les cinq syndicats ont fait l'effort de présenter une feuille de route commune, élaborée lors d'assises de la médecine libérale. Protection sociale, ASV, valorisation des consultations longues ou des actes en urgence… : ce travail collégial donne du poids aux revendications de la profession qui sortait pourtant de la séance « clivante » des élections professionnelles.
Une requête portée par tous les syndicats n'est pas passée inaperçue : l'ouverture du secteur II à tous les médecins libéraux, quels que soient leurs titres, leur spécialité ou la date de leur installation. Joint mardi par « le Quotidien », Nicolas Revel oppose déjà une fin de non-recevoir à cette demande. « C'est une ligne jaune et je ne signerai pas une convention qui se traduirait par une nouvelle augmentation du taux de dépassement. Le secteur II ne sera pas ouvert aux médecins de secteur I. » Le patron de la CNAM donnera la priorité à la revalorisation des tarifs opposables.
• C, ROSP, forfait structure… plusieurs options pour les revalos
Sans surprise, le chapitre des revalorisations (niveau et modalités) occupera tous les esprits et pèsera lourdement dans la balance finale. Marisol Touraine a déjà acté le principe des augmentations mais elle réclame aussi davantage de lisibilité dans les tarifs.
Les syndicats souhaitent au minimum une hausse significative du C bloqué à 23 euros depuis cinq ans. MG France, fer de lance de l'équité tarifaire, mais aussi la CSMF ont entamé au début d'année un mouvement de contestation des honoraires. Localement, des coordinations appellent à un recours massif au DE.
Les médecins réclament également une valorisation des actes non programmés, des actes en urgence et des consultations longues par un coefficient multiplicateur (2C, 3C). Ils aspirent à une évolution de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). La question d'y intégrer un forfait structure ou de rémunération pour la fonction de maître de stage universitaire sera discutée. Au menu également : la refonte des forfaits existants (40 euros par an pour le suivi des patients en ALD, 5 euros pour les consultations des patients âgés, 5 euros par an pour le suivi d'un patient par le médecin traitant).
Les médecins souhaitent enfin que le conseil téléphonique (dans le cadre du parcours de soins) et les actes de télémédecine bénéficient d'une rémunération incitative et pérenne.
« Il faudra définir des priorités et s'inscrire dans un principe de réalité », rappelle ce mardi Nicolas Revel. Selon le patron de l'Assurance-maladie, les honoraires des médecins ont progressé de 9 % entre 2011 et 2014, la convention 2011 ayant entraîné « 660 millions d'euros de revalorisations » pour les médecins.
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