L'incidence du cancer de la prostate a nettement augmenté depuis une trentaine d'années, conséquence probable du vieillissement de la population, du dosage du PSA et de son utilisation dans le cadre du dépistage. Cette augmentation d'incidence concerne surtout les cancers à faible risque, qui représentent aujourd'hui de 40 à 50 % des cancers diagnostiqués en France. Leur prise en charge optimale suscite toujours des interrogations. Tout l'enjeu est en effet d'éviter le surtraitement, avec son cortège de complications sur la fonction urinaire et sexuelle, sans compromettre le résultat carcinologique. La surveillance active est une option proposée depuis plusieurs années en cas de faible risque.
Mieux identifier les tumeurs agressives
Mais la classification d'Amico utilisée actuellement pour classer les patients selon leur risque évolutif, qui se fonde sur des critères cliniques, biologiques et histologiques, est imparfaite et le groupe dit à faible risque est en pratique assez hétérogène. Il est donc important de mieux identifier, au moment du diagnostic, les tumeurs agressives qui doivent bénéficier d'une prise en charge spécifique et non d'une surveillance active (SA), même si les études ont montré qu'il n'y a pas de perte de chance carcinologique en cas de traitement radical différé.
Dans une étude récente, le taux de progression clinique était de 10 % à 10 ans.
De nombreux essais menés ces dernières années ont évalué l'apport de l'IRM multiparamétrique dans ce contexte et leurs résultats soulignent l'intérêt de l'imagerie associée à des biopsies ciblées, avant de proposer au patient une SA. Mais le meilleur schéma de surveillance (fréquence des IRM, des biopsies…) reste à définir. Ce qui est sûr, c'est qu'un patient donné « doit être idéalement suivi dans le même centre par le même radiologue », a indiqué la Dr Raphaëlle Renard-Penna.
Parmi les critères d'agressivité, la taille de la tumeur (qui se traduit sur le taux de PSA) apparaît importante, plus que la multifocalité des lésions.
À côté du recours à l'IRM, d'autres stratégies sont également en évaluation, qu'il s'agisse de marqueurs biologiques comme la densité du PSA, le 4K score ou l'index phi, ou du dosage du PCA3 urinaire couplé à la recherche de gènes de fusion après massage prostatique. « Il est établi que l'évolution vers le décès est dans la quasi-totalité des cas associée à la lésion la plus ancienne, qui est la mère des métastases », a souligné le Pr Olivier Cussenot. Et on peut classifier les tumeurs, indépendamment du score de Gleason, en fonction de leurs altérations génétiques. Il y a actuellement un développement de tests de signatures moléculaire pronostiques, académiques ou commerciaux.
La stadification pharmacologique par un blocage androgénique court représente une autre approche : 100 % des cancers mortels ont des cellules résistantes à la castration et l'idée serait de ne traiter que s'il reste de la tumeur après un traitement court.
La classification des tumeurs à faible risque prend donc une nouvelle dimension.
Les traitements focaux, une autre option
Parallèlement, à côté de la SA, qui a fait la preuve de sa sécurité carcinologique dans les études PROTECT et PIVOT et du traitement radical, en forte baisse, les traitements focaux représentent une autre option thérapeutique, encore du domaine de la recherche. Leur rationnel se fonde sur le concept de tumeur princeps, responsable du risque d'évolution vers le décès, malgré le caractère multifocal du cancer de la prostate. De nombreuses techniques sont développées, HIFU (ultrasons focalisés de haute intensité) et photothérapie dynamique, pour laquelle la France est très en pointe, cryothérapie, curiethérapie, électroporation, laser interstitiel ou encore radiofréquence, plus anecdotique. Mais de nombreuses questions se posent, qui concernent notamment les indications, le suivi des patients, la définition de l'échec et sa prise en charge. Pour tenter de répondre à ces différentes interrogations, « un registre national pourrait être mis en place, avec obligation de signaler tout retraitement », a rapporté le Pr Luc Cormier.
D'après les communications des Prs et Drs Raphaëlle Renard-Penna (Paris), Olivier Cussenot (Paris) et Luc Cormier (Dijon).
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