L’ÂGE MOYEN des patients consultant aux urgences pour une suspicion de pneumonie est de 75 ans, comme l’a montré un audit réalisé en 2010 par le Collège français de médecine d’urgences à la demande de la Haute autorité de santé. Dans la majorité des cas le patient va être hospitalisé, le plus souvent sans certitude diagnostique mais pour une suspicion de pneumonie aiguë communautaire (PAC). Selon les données de l’audit portant sur plus de 3 000 dossiers, seuls 20 % des cas étaient cotés comme pneumonie certaine.
Cette difficulté diagnostique découle de particularités cliniques et de la performance faible de la radiologie dans la population âgée. Les signes systémiques d’infection ne sont présents qu’une fois sur deux, douleur thoracique et toux sont plus rares, tandis qu’une polypnée est fréquente. De plus, la faible corrélation radio/clinique, habituellement observée dans la pneumonie aiguë, est encore plus marquée chez les sujets âgés, avec une très grande variabilité interindividuelle.
Les marqueurs biologiques sont peu contributifs. L’hyperleucocytose est absente une fois sur deux ; la CRP est peu spécifique et s’élève spontanément avec l’âge, ce qui pose un problème de seuil. Seul le dosage de la procalcitonine peut avoir un intérêt.
Parmi les techniques nouvelles, le recours au scanner, rentré dans la pratique aux urgences pour les douleurs abdominales, semble prometteur. Plusieurs études montrent qu’il permet de redresser le diagnostic. Les résultats d’un PHRC en cours devraient, à terme, banaliser cet examen d’imagerie en cas de doute diagnostique, notamment chez les patients âgés. Enfin, la définition même de la PAC chez le sujet âgé pourrait être repensée, car la radiologie montre le plus souvent une bronchopneumopathie avec infiltrats péribronchiques.
« Au niveau de l’antibiothérapie, la France ne distingue pas les pneumonies acquises en ville de celles acquises en institution, comme le font les Nord-Américains par exemple. Ainsi, alors que l’épidémiologie bactérienne est probablement différente en institution, nous appliquons la même stratégie thérapeutique, ce qui conduit à un certain nombre d’échecs », note le Pr Yann-Erick Claessens.
Enfin, si l’hospitalisation est quasi-systématique chez les plus de 75 ans, notamment en raison des comorbidités, il est plus complexe de déterminer si le patient doit être adressé en réanimation ou non. Les scores de mortalité à 30 jours ne sont pas déterminants, car l’âge y occupe une place considérable. « En pratique, il faut avoir un avis au-delà des scores, et s’appuyer sur le 6ème sens clinique », conclut le Pr Claessens.
Entretien avec le Pr Yann-Erick Claessens, centre hospitalier Princesse Grace, Monaco.
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