Le vieillissement induit souvent une prise de poids physiologique. Vers l’âge de 65 ans, l’Indice de masse corporelle (IMC) moyen de la population européenne est de 26-27, contre 19-20 à 20 ans. Cette prise de poids n’est pas forcément délétère mais elle peut s’accompagner, paradoxalement, d’une diminution progressive des apports alimentaires. Ainsi, une personne âgée peut grossir alors même qu’elle s’alimente moins qu’avant. « Cela s’explique notamment par la sédentarité et par une modification de la composition corporelle : les sujets âgés voient leur masse musculaire diminuer alors que leur masse grasse augmente », indique le Dr Agathe Raynaud-Simon, chef de service de la gériatrie des hôpitaux Bichat -Beaujon, à Paris.
D’ailleurs, plus les personnes vieillissent, moins elles s’alimentent. Les personnes âgées mangent moins que les plus jeunes, et surtout, leurs réponses à des situations de sous- ou de suralimentation sont très différentes. « Les personnes âgées régulent mal leurs apports énergétiques. Comme elles ressentent mal la sensation de soif et sont à risque de déshydratation en cas de grosse chaleur, elles ressentent aussi moins bien les sensations de faim et de satiété. Ces signaux qui permettent de réguler le poids deviennent moins performants au cours du vieillissement », indique le Dr Raynaud-Simon.
Une réponse au stress alimentaire altérée
Si l’on soumet des patients jeunes à une période de sous-alimentation entraînant une perte de poids, ils compensent ensuite (dès qu’ils peuvent s’alimenter à leur guise) en mangeant davantage : c’est l’hyperphagie compensatrice. Au contraire, les personnes âgées sous-alimentées pendant une période donnée perdent l’appétit. Après cette période, lorsqu’ils peuvent s’alimenter comme ils le souhaitent, ils continuent de manger peu et ne reprennent pas le poids perdu (1). « La réponse à un stress alimentaire est très altérée chez une personne âgée, affirme le Dr Raynaud-Simon. Gardons donc à l’esprit qu’une personne âgée qui mange moins et qui a maigri (à la suite d’une hospitalisation, ou d’un épisode psychologique difficile, par exemple) ne va pas retrouver spontanément son poids habituel. Nous devons l’aider pour cela. La perte de poids s’accentue à l’occasion de chaque nouveau problème et le patient âgé perd du poids en "marche d’escalier". C’est la prise en charge globale – tant physiologique que psychologique – et notamment, la mesure régulière du poids qui nous permettent de dépister une perte de poids liée à une dysrégulation de l’appétit chez le sujet âgé ».
Moins les personnes âgées mangent, moins elles ont tendance à manger. Mais l’inverse a également été démontré (1). Après une période de suralimentation, les personnes jeunes ressentent un écœurement et ont tendance à moins se nourrir que d’habitude. Ils retrouvent plus ou moins leur poids habituel peu après. En revanche, les personnes âgées continuent à manger plus que d’habitude et prennent du poids. La sensation de satiété étant émoussée chez elles, le fait de proposer une alimentation plus riche et plus abondante permet alors de lutter contre la dénutrition. « Cette information est importante pour notre pratique médicale : les mesures que nous mettons en place pour essayer de faire prendre du poids aux personnes âgées dénutries (introduction de collations, enrichissement des plats et compléments nutritionnels oraux) sont volontiers efficaces. Les résultats sont souvent plus faciles à obtenir que chez des patients jeunes », conclut le Dr Raynaud-Simon.
*Roberts SB, Fuss P, Heyman MB, et al. (1994), Control of Food Intake in Older Men, JAMA 1994;272(20):1601-06.
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