Inciter la personne âgée à se peser une fois par mois – ou une fois par semaine en cas de risque de déshydratation, de dénutrition, d’insuffisance cardiaque récente, après une infection, une hospitalisation ou un choc affectif – tel devrait être le réflexe de tout professionnel de santé dans le cadre du suivi d’un patient âgé. La vigilance doit être de mise lorsque la personne âgée suit un régime, mange moins depuis plus de trois jours ou ne consomme plus beaucoup certains aliments (viandes, légumes, fruits, produits laitiers). De même, il faut veiller à ce qu’elle boive au moins un litre d’eau par jour et davantage, en cas de risque de déshydratation. La pratique d’activités intellectuelles et physiques adaptées à l’âge et aux conditions cliniques du patient (course, marche, jardinage, exercices…) ainsi que les interactions sociales sont également indispensables au maintien de l’état de santé du sujet âgé.
Pas de régimes sans surveillance
Lorsque le sujet âgé est fragilisé par la maladie, la surveillance régulière de son alimentation et de son activité physique prennent une place décisive. Au cours de la sénescence, il n’est pas rare de voir apparaître, par exemple, un diabète et/ou des troubles de la glycorégulation à type d’intolérance aux hydrates de carbone, résultant d’une insulinorésistance périphérique et de la modification de la sécrétion d’insuline. Le patient âgé souffrant d’une hyperglycémie ou d’un diabète doit maintenir trois repas par jour pour fractionner les prises glucidiques et éviter les pics hyperglycémiques. Mais aussi bénéficier d’un apport adéquat en protéines, micronutriments et eau, et privilégier les sucres complexes (pain, céréales…) et les fruits. « Il ne faut pas supprimer les glucides simples mais les proposer en cours ou en fin de repas afin qu’ils n’augmentent pas brutalement la glycémie. Par ailleurs, il faut proscrire les régimes après 70 ans : y compris en glucides chez un patient diabétique car, avec l’âge, l’appétit limité induit une difficulté à couvrir les besoins quotidiens. Même chose pour les patients de plus de 70 ans présentant une légère hypercholestérolémie : les régimes restrictifs sont à bannir », indique le Dr Monique Ferry (Nutritionniste et Gériatre, INSERM, Paris 13). Si le médecin prescrit un régime au patient âgé atteint d’une maladie cardiovasculaire, « il faudra veiller à ce que la personne ne s’astreigne pas d’elle-même à un régime plus sévère ou ne perde pas l’appétit, ce qui est souvent le cas lors d’un régime sans sel prolongé », note le Dr Ferry.
Redonner l’envie de manger
La démence s’accompagne souvent d’une altération du statut nutritionnel : la perte de poids, notée chez la majorité des patients, serait même un des signes de la maladie. Le patient peut oublier de manger, consommer tout le temps les mêmes aliments, avoir des difficultés à se concentrer au moment du repas, voire refuser de s’alimenter.
Pour éviter la dénutrition et faciliter le moment du repas, l’enrichissement des plats en augmentant leur densité énergétique (ajout de fromage râpé, de crème, de beurre…) est une stratégie intéressante. Il faut, en outre, privilégier des aliments faciles à consommer, pouvant être pris sans couverts (bâtonnets de légumes crus, morceaux de fromages, quiches, tartes…).
Par ailleurs, les recherches réalisées ces dernières années soulignent le rôle déterminant de la nutrition dans le processus du vieillissement en général et de la prévention du déclin cognitif et de la démence de type maladie d’Alzheimer. « Trois facteurs de risque sont particulièrement documentés : le stress oxydatif, le métabolisme des lipides et les déficits en vitamines du groupe B qui autorisent à envisager des stratégies de prévention. Nous avons mis en place, dès la fin des années 1990, une consultation spécialisée en nutrition et mémoire. C’est ainsi, par exemple, que nous avons pu observer le rôle d’un apport suffisant en sélénium au niveau cérébral chez des patients carencés et déficitaires au plan cognitif », note le Dr Ferry.
Ferry M, Mischlich D, Alix E, et al. Nutrition de la personne âgée. Aspects fondamentaux, cliniques et psychosociaux. 2012, 4e édition. Abrégés de médecine. Elsevier-Masson, Paris.
Le guide nutrition pour les aidants des personnes âgées, la santé en mangeant et en bougeant, Inpes.
Roussel AM, Ferry M. Stress oxydant et vieillissement. Nutr Clin Metab. 2002;16:285–92.
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