PREUVE QUE la médecine environnementale suscite un intérêt croissant, la Journée Mondiale des maladies d’origine environnementale vient d’être proclamée le 12 mai 2011. En outre, des associations de malades de pathologies environnementales, regroupant notamment des patients victimes du Syndrome de l’Hypersensibilité Chimique Multiple (HCM) et du syndrome de l’Electrosensibilité (EHS), demandent à l’OMS de reconnaître officiellement leurs troubles. Ils s’appuient pour cela sur une pétition signée par 26 pays, plus de 200 experts de santé environnementale, plus de 240 ONG, fondations et partenariats du domaine de la santé environnementale et de l’environnement.
La nécessité de tests de caractérisation.
La grande diversité des symptômes dont les patients se plaignent – troubles neurologiques, difficultés respiratoires, digestives, troubles immunologiques, dermatologiques, endocriniens, cardiovasculaires ou ORL – et les difficultés pour les lier à des causes environnementales, est un véritable problème, qui doit inciter les professionnels de la santé à la plus grande prudence. En effet, les études sur l’impact de l’environnement sur le système nerveux sont souvent contradictoires. « C’est par exemple le cas des céphalées attribuées à la Wifi par une partie non négligeable de la population, a expliqué le Dr Hinault. Pour tenter de vérifier ou infirmer ces faits, une étude britannique réalisée auprès de fonctionnaires se plaignant de maux de tête depuis son installation a consisté à demander à des plaignants placés dans une chambre électromagnétique étanche et soumis à des ondes, de dire ce qu’ils ressentaient. Lorsqu’ils recevaient des informations comme quoi les ondes électromagnétiques allaient être installées, ils se plaignaient aussitôt dse symptômes habituels. Mais lorsqu’on ne leur donnait aucune indication sur la présence ou non de ces ondes, aucune corrélation entre les ondes et leurs maux de tête n’était retrouvée! Cette étude ne va donc pas dans le sens de l’existence du syndrome d’hypersensibilité électromagnétique. Pour autant, elle ne suffit pas à l’écarter, d’autant que certaines personnes disent présenter des troubles si intenses qu’elles ont dû changer de lieu de vie ou de travail ».
D’autres domaines font également débat, comme le syndrome d’hypersensibilité chimique. « Il est admis par l’OMS, non reconnu par de nombreuses sociétés savantes, et quasiment ignoré en France par le monde médical, a rappelé le Dr Jacques Reis (Moselle). Selon le National Institute of Environmental Health, il s’agit d’une maladie chronique, récurrente, causée par l’incapacité d’un individu à tolérer certains produits chimiques de l’environnement, à des taux d’exposition habituellement bien admis. Comme il n’existe ni biomarqueurs, ni tests diagnostiques, que les substances chimiques en cause peuvent être multiples et qu’il n’y a pas de relation de dose à effet, on comprend la difficulté de confirmer un tel diagnostic ». C’est d’ailleurs sur cette lacune que porte actuellement la recherche : mettre au point des tests de provocation et des mesures d’exposition environnementale des patients pour tenter d’établir un lien de cause à effet, s’il existe.
Et encore de nouvelles substances qui arrivent !
Dans certains domaines, les progrès technologiques vont si vite que la médecine peut se trouver dépassée par l’arrivée de nouvelles substances dont on ignore les effets à long terme sur la santé. Dernier exemple en date : l’arrivée de matériaux à l’échelle nanométrique, dont les applications concernent l’industrie cosmétique et pharmaceutique. « Les nanoparticules sont suffisamment petites pour pénétrer les plus petits capillaires sanguins et ainsi diffuser dans tout le corps, a rappelé le Dr Joubert. Or on manque cruellement de données sur les possibles conséquences toxicologiques de ce phénomène. Les nanoparticules pourraient exprimer leur toxicité via des mécanismes bien connus comme le stress oxydant, ou la modification de l’expression de gènes », a poursuivi le Dr Joubert. C’est du moins ce que tendent à montrer certains travaux réalisés in vitro et in vivo et c’est pourquoi le monde de la toxicologie doit poursuivre ses travaux pour enrichir ses données sur la nano-neurotoxicité.
D’après les communications orales des Dr Olivier Joubert (Nantes), Pierre Hinault (Rennes) et Olivier Kah (Rennes).
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