SUR HUIT millions de Français migraineux, 1,6 ont une migraine avec aura. Le diagnostic de migraine avec aura ne fait aucun doute, si au moins trois des quatre caractéristiques suivantes sont retrouvées : réversibilité totale du ou des symptômes de l’aura, s’installant sur plus de 4 minutes, mais sur moins de 60 minutes et, enfin, un intervalle entre l’aura et le mal de tête inférieur ou égal à 60 minutes.
Quelles hypothèses pour expliquer l’aura migraineuse ?
Chez les migraineux avec aura, neuf fois sur dix tout commence par des troubles visuels et notamment l’apparition d’un scotome (zone aveugle bordée par des points brillants), qui tend à s’étendre. « On sait désormais que le scotome migraineux est dû au passage, sur le cortex visuel, d’une onde d’excitation, la dépression neuronale : on parle de dépression corticale envahissante, ou DCE. Cette dernière peut d’ailleurs être reproduite chez l’animal. Elle débute par une activation neuronale intense avec libération massive d’ions potassium et de glutamate dans le milieu extracellulaire et d’une entrée d’eau, de sodium et de calcium dans les neurones et les astrocytes. Les neurones deviennent alors inactifs et inactivables. Ce phénomène se propage lentement sur le cortex à la vitesse de 2 à 6 mm/min, de proche en proche et dans toutes les directions », a expliqué le Dr Gilles Geraud. Le passage de cette DCE n’est pas sans conséquence. « Les substances proinflammatoires relarguées dans le tissu cérébral par le passage de la dépression corticale envahissante, peuvent activer les terminaisons nerveuses du système trigémino-vasculaire. Résultat, il se produit, par voie réflexe parasympathique, une vasodilatation des vaisseaux méningés, à l’origine de la céphalée », a poursuivi le Dr Geraud.
Qu’en est-il des migraines sans aura ? La question reste posée, mais les chercheurs s’interrogent sur l’éventuelle existence de DCE asymptomatiques qui seraient situées dans des zones silencieuses (peut-être le cervelet, ou le lobe temporal droit). « Le problème fondamental au plan de la recherche clinique sera de savoir si migraine sans et avec aura ont, ou pas, la même physiopathologie », a conclu pour sa part le Dr Christian Lucas. Autre point laissé sans réponse, qu’il faudra aussi résoudre : mieux comprendre les multiples origines possibles des modifications de l’excitabilité corticale qui favorisent la survenue de la DCE.
Quid des crises migraineuses rares ou atypiques ?
Lorsque les caractéristiques d’une migraine avec aura ne sont pas retrouvées, cela complique le diagnostic, mais ne doit pas éliminer pour autant la possibilité d’une migraine avec aura atypique, comme l’a rappelé le Dr Evelyne Guégan-Massardier : « l’aura migraineuse typique répond à une définition précise de la classification internationale des céphalées. Mais certains patients présentent des particularités cliniques pour tout ou partie de leurs accès : dans ce cas, le mode d’installation de l’aura, le type de symptômes la caractérisant et/ou la durée, ne correspondent pas à la définition. Par exemple, il existe des auras prolongées, d’une durée excédant 60 minutes (aura persistante sans infarctus) ».
A côté de ces auras migraineuses atypiques, sont également décrites des variétés rares de migraines. « C’est le cas de la migraine hémiplégique avec aura comportant un déficit moteur au cours de l’aura », a rapporté le Dr Anne Ducros. Dans ce cas, des éléments de réponses sur les mécanismes en cause ont déjà été identifiés. En effet, cette migraine est de forme familiale, avec une transmission autosomique dominante ; trois gènes ont été mis en cause. « On sait notamment que ces gènes codent pour deux canaux ioniques neuronaux et un transporteur ionique glial. Des modèles cellulaires et murins ont montré qu’une hyperexcitabilité cérébrale avec un excès de transmission glutamatergique, étaient les mécanismes clés de cette variété migraineuse. C’est d’autant plus intéressant que les données les plus récentes suggèrent que ces mêmes mécanismes pourraient aussi être impliqués dans les formes plus communes de migraine » a expliqué le Dr Ducros. C’est d’ailleurs pourquoi leur traitement est similaire à celui des variétés les plus fréquentes de migraine, mais avec un traitement de fond privilégiant les antiépileptiques migraineux.
D’après les communications orales des Dr Anne Ducros (Paris), Evelyne Guégan-Massardier (Grenoble), Anne Donnet (Marseille), Christian Lucas (Lille) et Gilles Geraud (Toulouse).
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