La iatrogénie médicamenteuse constitue un réel problème : 15 à 20 % des hospitalisations de personnes âgées s’expliquent plus ou moins par un accident iatrogénique. Différentes analyses de qualité ont montré, qu’environ 20 % des médicaments n’étaient pas utilisés de la façon la plus judicieuse dans cette population. Il faut en effet distinguer la iatrogénie évitable, de celle, inévitable, due aux effets intrinsèques du médicament. « Une étude américaine menée sur des sujets âgés a montré que les médicaments entraînant le plus souvent une hospitalisation en urgence étaient les anticoagulants et anti-agrégants ainsi que l’insuline et les antidiabétiques. Ces résultats sont surprenants car ces médicaments ne sont pas ceux cités le plus souvent dans les référentiels de bonne prescription qui sont plutôt les psychotropes, les anticholinergiques… Il faut donc être très prudent », explique le Pr Pierre Jouanny.
Trois grandes catégories d’erreurs sont généralement dénoncées : « over use » qui correspond à l’utilisation excessive de médicaments à des posologies inappropriées (surdosage du à une insuffisance rénale…), « misuse » pour désigner un traitement inapproprié dont le risque est supérieur au bénéfice et « under use » lorsqu’un traitement est insuffisant comme, par exemple, dans l’ostéoporose (calcium, vitamine D, biphosphonates…) ou encore en cardiologie.
Des outils d’aide à la prescription.
De nombreux outils ont été développés afin d’optimiser la prescription des médicaments chez les personnes âgées de 75 ans ou plus, comme la liste des médicaments potentiellement inappropriés de Beers (États-Unis) qui a été adaptée par le Dr Marie-Laure Laroche (CHU de Limoges) en tenant compte des pratiques médicales françaises. STOPP-START est un autre outil d’utilisation facile permettant de prévenir les effets indésirables associés à des prescriptions inadaptées. Enfin, le Pr Joël Belmin (hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine) a élaboré un système, DICTIAS, qui présente les 7 questions à se poser avant de prescrire un médicament chez une personne âgée. Cette démarche permet d’optimiser le traitement en réfléchissant pour chaque médicament sur le diagnostic (D), l’indication (I), les contre-indications (C), les interactions médicamenteuses (I), l’adaptation de la posologie (A) et la sécurité de son emploi (S). Cela est particulièrement important dans le cas des anticoagulants, par exemple, où il faut vérifier l’état cognitif du patient, son éducation et celle de son entourage familial à propos du traitement…
Du sur mesure.
« Au-delà, de ces aides à la prescription, il est essentiel de faire du sur-mesure pour chaque patient. Quel que soit le profil de risque potentiel ou avéré des classes thérapeutiques utilisées, un bilan clinique et biologique minimal doit être réalisé régulièrement chez toute personne âgée polymédiquée », souligne le Pr Pierre Jouanny. Il comprend notamment : au plan clinique, la surveillance du poids, de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et au plan biologique, l’évaluation de l’ionogramme sanguin, de la créatininémie et de la clairance de la créatinine (formule de Cockcroft & Gault). Il faut bien considérer la pathologie à prendre en charge, les pathologies associées ainsi que l’ensemble des facteurs de risque liés au patient.
D’après un entretien avec le Pr Pierre Jouanny (CHU d’Amiens).
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