Dans les sociétés occidentales, la vieillesse a souvent été mal considérée, perçue comme abjecte et méprisable. Alors que dans d’autres cultures (africaine, par exemple), elle a pu revêtir l’image positive de la sagesse.
En 1984, en France, le Dictionnaire des personnes âgées, de la retraite et du vieillissement définit le terme vieux comme « les personnes à qui il reste moins de temps à vivre que ce qu’elles ont déjà vécu ». Ce dictionnaire distingue clairement les « jeunes-vieux » (entre 60 et 80 ans) des « vieux-vieux » qui sont plus âgés et pour qui « les risques pathologiques et la probabilité de vivre seuls diffèrent de façon notable ». Selon Jacqueline Trincaz, « cette catégorisation à travers les âges n’est pas nouvelle. Au Moyen-Âge déjà, la vieillesse a pu occuper trois des sept temps de la vie : vers 50 ans, les personnes étaient considérées comme pesantes en mœurs et manières ». Puis, vers 60/65 ans, venait l’âge du radotage. Les personnes « rapetissaient » et étaient ainsi appréhendées à travers les modifications de leur corps. Quant au vieillard de plus de 70 ans, il était « plein de toux, de crachats et d’ordures » et cela, « jusqu’à ce qu’il retourne en cendres ».
Vieux versus troisième âge
Le terme vieux signifie « qui existe depuis longtemps », il est neutre en soi, il peut même avoir une valeur positive : ce qui est rare, cher, comme un vieux vin. Mais le plus souvent, il a la valeur négative de la chose usée, bonne à jeter. Le terme vieillard, qui pourrait remplacer le mot vieux, paraît encore plus dévalorisant.
Vieux et vieillards sont, petit à petit, bannis du vocabulaire : on a alors recours à l’expression personne âgée que le dictionnaire de 1984 définit comme une : « personne plus âgée que la moyenne des autres personnes de la population dans laquelle elle vit ». Or, si l’on se réfère aux diverses notes ajoutées, l’expression personne âgée finit par revêtir la même valeur négative que le mot vieux.
Autre expression catégorisante, celle de troisième âge, est apparue dès les années soixante, au moment où les conditions de vie des retraités commencent à s’améliorer, avec un accroissement des ressources, un meilleur état de santé et une activité maintenue. « Cette expression fait inévitablement émerger celle de quatrième âge désignant l’ensemble des personnes très âgées ou invalides âgées », précise Jacqueline Trincaz.
Des représentations économiques, sociales et physiques
Aujourd’hui, les expressions troisième âge et quatrième âge sont délaissées au profit du terme senior. Ses promoteurs, issus du marketing ont voulu désigner, « l’ensemble des gens âgés, nouveaux consommateurs, nombreux et fortunés ». « Succédant chronologiquement au senior, l’aîné se situe en référence au cadet : il a un rôle de transmission auprès des plus jeunes (souvenirs de guerre, savoir-faire traditionnels…) », note Jacqueline Trincaz.
Ces images du senior et de l’aîné reposent sur des critères économiques et sociaux, qui manifestent une volonté d’intégration. Mais lorsqu’il s’agit de faire le bilan des potentialités physiques de l’individu, c’est la figure du dépendant qui prime « L’usage du mot dépendant s’est imposé à la fin des années 1970 quand des commissions ont été chargées d’étudier le coût des handicaps au grand âge », indique Jacqueline Trincaz.
Enfin, un autre mot ayant une valeur négative est entré dans le Petit Larousse à la fin des années 1980 : l’âgisme, défini comme « une attitude et un comportement visant à déprécier les individus du fait de leur âge (sorte de racisme antivieux) », conduit à poser la question : « avez-vous peur de vieillir ? », conclut Jacqueline Trincaz. À chacun de trouver sa propre réponse.
D’après un entretien avec Jacqueline Trincaz, anthropologue, professeure à l’université Paris Est, Créteil.
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