Des sujets fragiles et polymédicamentées

L’art de prescrire chez la personne âgée

Publié le 02/05/2013
Article réservé aux abonnés
1367457187429517_IMG_104252_HR.jpg

1367457187429517_IMG_104252_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

FAUTE DE DÉFINITION consensuelle sur ce qu’est une personne âgée (plus de 65 ans ? plus de 85 ans, ce qui correspond à la moyenne en institution ?), la frontière pourrait être fixée artificiellement à 75 ans : au-delà, les personnes âgées ne sont plus tout à fait des adultes comme les autres, mais des patients davantage à risque puisque dotées en moyenne de 7,5 maladies simultanément, donc polymédicamentées, et souvent très fragiles.

Pas tous les lièvres à la fois.

« Comme il est impossible de " courir toutes les fièvres " à la fois, observe le Dr Vetel, il importe de faire des choix, même si le patient n’y est pas prêt, souhaitant que l’on s’occupe de tous ses maux. » Cette hiérarchisation des problèmes doit notamment tenir compte des solutions thérapeutiques et de leur balance bénéfice/risque. Or, difficulté de taille, d’un point de vue strictement pharmacologique, les essais sont exceptionnels en gériatrie. « La personne âgée est en quelque sorte pharmacologiquement orpheline », résume-t-il. Dans la mesure où il n’existe pas d’information sur la prise en charge, l’on s’appuie sur une extrapolation des données de l’adulte, sans doute hasardeuse… La personne âgée ne se résout pas à son vieux rein, d’autres plaques tournantes de son métabolisme vieillissant elles aussi. Par ailleurs, un effet indésirable mineur, un léger vertige, peut se solder sur ce terrain fragilisé par une chute et une fracture du col du fémur.

Iatrogénie.

« Nous manquons cruellement d’informations sur l’emploi d’un médicament seul, ne parlons pas de l’association de médicaments et la légitimité des stratégies thérapeutiques, regrette-t-il. Et nous adoptons alors, en situation, une position plus philosophique que scientifique : dans le doute, faut-il s’abstenir ou non ? »

L’iatrogénie inhérente à cette polymédicamentation est fréquente, elle a des effets sur l’observance bien sûr, en ce que le patient supprime volontiers ce qu’il estime ne pas lui « convenir ». Dix pour cent des plus de 75 ans fréquentent les urgences de l’hôpital pour un problème lié au médicament, établissement qui génère souvent à son tour des pathologies iatrogéniques…

Pour réduire ces risques, mieux vaut prendre son temps, prioriser : quand, par exemple, un patient âgé cumule insuffisance cardiaque, arythmie complète par fibrillation auriculaire (AC/FA), diabète, démence débutante et arthrose, ce qui est le cas de beaucoup, on oublie l’arthrose et l’on tente de corriger l’arythmie tout en restant prudent sur la prescription d’anticoagulant et sa balance bénéfice/risque (particulièrement chez un chuteur régulier aux fonctions cognitives altérées).

La surveillance biologique comporte au minimum une évaluation de la fonction rénale (tous les un ou deux mois sous diurétique), une albuminémie (un certain nombre de médicaments étant fortement fixés à l’albumine, déficitaire chez les personnes dénutries), des transaminases et des phosphatases alcalines (bien que le foie, un gros organe, reste capable longtemps de métaboliser les médicaments). Elle doit être assortie d’une évaluation des fonctions cognitives par un test de l’horloge, voire un MMSE (Mini Mental State Examination), pour être sûr que la personne âgée puisse prendre seule ses médicaments. À défaut, il convient de mettre en place une organisation sécurisée.

Dr Jean Marie Vetel : pas de lien d’intérêts pour cet article.

 Dr BRIGITTE BLOND

Source : Le Quotidien du Médecin: 9239