Le Quotidien du Médecin. Comment définir la résilience ?
Dr Jean-Louis Payen*. Selon la définition de Boris Cyrulnik et de Gérard Jorland (1), la résilience est la reprise d’un nouveau développement après un traumatisme. Ce mot déjà rapporté dans la littérature anglaise au 17e siècle trouverait ses racines dans resalere mot latin désignant le ressaut. Notamment utilisé par Francis Bacon, il a été traduit en français par les termes « rebondir », « se redresser », « se ressaisir ». Au 19e siècle, les physiciens s’emparèrent du mot pour caractériser la résistance, l’élasticité des matériaux. Enfin, lors du siècle dernier, ce sont les psychiatres qui se saisirent du concept pour décrire la reprise d’un nouveau développement après une agonie traumatique (1).
Comment ce concept a-t-il été introduit en hépato-gastroentérologie (HGE) ?
C’est la mise en évidence de la capacité du foie à se régénérer, à se restructurer, à réduire la fibrose accumulée après une agression chronique, virale (hépatite B et C) ou métabolique (hémochromatose) notamment, qui a conduit à proposer le mot de résilience pour caractériser cette transformation ; terme fédérateur que nous avons soumis à la communauté des hépatogastro-entérologues avec Victor de Ledinghen. Cette capacité singulière de la structure hépatique était déjà connue des Grecs anciens, comme le laisse supposer le mythe de Prométhée, Titan dont le foie, dévoré durant la journée par un rapace, se régénérait pendant la nuit, le condamnant ainsi à ce supplice éternel. La régression des lésions cirrhotiques, suspectée dans les années 1980, a été confirmée au début des années 2000 par les travaux de Wanless IR. Aujourd’hui, il est établi que la cirrhose peut régresser en cas de guérison de la maladie causale, notamment d’une hépatite chronique C, ou lors du contrôle de la réplication virale sur le long terme dans l’hépatite B. Cette résilience est un formidable message d’espoir pour les patients, même s’il faut rester très prudent quant à l’impact de la régression de la cirrhose sur le risque notamment de carcinome hépatocellulaire.
En dehors de l’hépatologie, quelles en sont les autres applications ?
Dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), la capacité du tube digestif à cicatriser est connue ; grâce aux anti-TNF, la cicatrisation muqueuse endoscopique est désormais devenue un objectif thérapeutique, nous pourrions là aussi parler de résilience. Les récents travaux sur le microbiote ont déjà montré que ce « nouvel organe » est résilient. Enfin, ce concept pourrait également s’appliquer au pancréas, puisque l’on observe une restitution ad integrum de sa structure après pancréatite aiguë bénigne par exemple. Comme vous le voyez la résilience n’est pas un vain mot en hépato-gastroentérologie.
*Centre hospitalier de Montauban
(1) Résilience connaissances de base. Éditions Odile Jacob, 2012.
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