Les opioïdes disponibles en clinique sont presque tous des agonistes des récepteurs µ. C’est une classe presque homogène avec des profils de sécurité globalement identiques et des indications comparables. Les extraits d’opium sont en vente croissante en France et, à part la mise au point de traitements pour la constipation, c’est-à-dire des antagonistes des récepteurs opioïdes périphériques µ, on peut constater, comme le souligne le Pr Alain Eschalier que " l’innovation thérapeutique est un peu en panne dans notre pays". D’autant que les problèmes de dépendance et de mesurage représentent des freins réels pour que les autorités de santé autorisent l’introduction en France de nouveaux opioïdes.
Les cliniciens savent parfaitement que tous les opioïdes ne sont pas identiques et qu’il existe des différences de comportement face aux opioïdes, avec des variabilités interindividuelles. Se pose aussi le problème de la rotation des opioïdes, c’est-à-dire du remplacement d’un opioïde par un autre. En effet, si leur emploi permet d’obtenir une antalgie adéquate chez la majorité des patients, des effets indésirables peuvent limiter leur utilisation. La rotation des opioïdes est une stratégie proposée pour pallier ces limitations.
Tout ceci interroge sur cette fameuse homogénéité des opioïdes et dans quelle mesure
l’évolution des connaissances fondamentales peut permettre de comprendre ces différences.
"Deux approches doivent être envisagées, déclare A. Eschalier : l’approche pharmacogénétique et l’approche pharmacologique moléculaire".
Polymorphismes génétiques .
La variabilité interindividuelle dans la réponse aux opioïdes en termes d’efficacité et de tolérance procède en partie de la génétique. Plusieurs polymorphismes génétiques, en particulier ceux des cytochromes, contribuent en effet à moduler la réponse aux opioïdes. Un exemple : le cytochrome 2D6 qui participe au métabolisme de plusieurs opioïdes et en particulier à celui de la codéine qui doit être transformée par ce cytochrome en morphine. Ce cytochrome est porté par le bras long du chromosome 22 ; plusieurs variétés existent ce qui permet de distinguer plusieurs sortes de répondeurs, du plus rapide au plus lent. En pharmacogénétique, s’il est classique de parler des cytochromes, il l’est moins d’évoquer des phosphoglycoprotéines (PGP) qui, au niveau digestif par exemple, vont induire le relargage du produit dans la lumière intestinale par un mécanisme de lutte contre la toxicité du produit. Si la PGP est en pleine activité, il y aura moins de produit disponible et si elle est supprimée il se produira une augmentation de la quantité disponible d’opioïde et donc de son activité. C’est la même chose au niveau de la barrière hémato-encéphalique et au niveau de l’endothélium vasculaire. Il y a là aussi polymorphisme source de variabilités interindividuelles. Enfin, la fameuse catechol-O-méthyltransférase (COMT), outre sa participation au métabolisme des catécholamines, a des liens avec le système endomorphinique. Or, elle est également soumise à un polymorphisme ; s’il existe une faible activité de la COMT, il y a diminution du contenu neuronal en enképhalines et, par phénomène compensatoire, une augmentation du contenu en récepteurs et une augmentation de l’analgésie opioïde. "Mais rien n’est simple, affirme A. Eschalier, de nombreux gènes sont probablement impliqués. C’est une voie pour le traitement personnalisé de la douleur".
Plusieurs sous-types de récepteurs µ. La pharmacologie moléculaire permet également d’espérer des avancées. Schématiquement, il existe dans le noyau cellulaire un gène des récepteurs µ qui permet la synthèse du récepteur µ, ligand de référence des opioïdes. Ce gène peut être soumis à des mutations susceptibles de diminuer la sensibilité à la douleur. On sait également que même s’il y a un seul gène pour ce récepteur, il existe une multitude de sous types de ce récepteur qui ont une localisation variable selon les tissus ; leur capacité à attirer un ligand est également variable et a comme corollaire une multiplication des effets des opioïdes. Ce qui veut dire que le signal en aval du récepteur ne doit plus être considéré comme spécifique du récepteur mais spécifique du ligand. On peut activer le même récepteur mais avoir des effets différents car le ligand activera telle ou telle voie de transduction.
Enfin, en aval de ces récepteurs, les canaux ioniques vont influer sur l’état d’activation du neurone. Le blocage des canaux ioniques K est ainsi une des voies étudiées pour dissocier l’analgésie morphinique de ses effets indésirables.
D’après la communication du Pr Alain Eschalier, CHRU de Clermont-Ferrand
Article précédent
Pas d’insensibilité à la douleur, au contraire
Article suivant
La prise en charge tardive est un facteur de mauvais pronostic
Des traitements efficaces
Une révision des recommandations
Pas de progrès au cours des dix dernières années
Une famille hétérogène
Savoir les anticiper
Pas d’insensibilité à la douleur, au contraire
De nouvelles approches mais pas d’innovation thérapeutique
La prise en charge tardive est un facteur de mauvais pronostic
Douleur de l’enfant : Évaluer son retentissement
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024