« Elle m'a donné un coup de pied dans le ventre, m'a attrapé les cheveux et m'a traînée jusqu'au meuble à chaussures. Mes enfants ont tout vu et j'ai peur pour eux, docteur ».
À l'hôpital Jean-Verdier de Bondy (AP-HP), Faustine, 26 ans, interne en première année de médecine légale et expertises médicales à l'unité médico-judiciaire (UMJ), assure à la demande de la justice les examens des victimes de violences sexuelles, conjugales ou intrafamiliales ainsi que les maltraitances faites aux enfants ou personnes âgées.
Dans la salle de consultation, Faustine est déjà en autonomie. Elle termine ses six premiers mois de stage et gère les rendez-vous. Elle mesure les ecchymoses sur les bras et les jambes, inspecte les blessures au cou d'une patiente en pleurs ayant subi l'agression d'une voisine. « Les gens sont en souffrance, raconte-t-elle. J'avais peur de faire ma première garde toute seule, de ne pas être à l'aise entre les démarches à effectuer et l'écoute dont les patients doivent bénéficier ». Ici, les praticiens établissent un certificat médical descriptif des lésions physiques, de l'état psychique du patient et décident de l'incapacité totale de travail (ITT). Autre mission d'un interne de médecine légale : se déplacer dans les commissariats pour les consultations des gardés à vue.
Cette année, 25 autres internes ont embrassé cette spécialité, au bas du classement des disciplines les plus attractives. Mais pour le Dr Thomas Lefèvre, MCU-PH et coordonnateur du diplôme en Ile-de-France, la filiarisation présente des avantages. « Cela apportera plus de visibilité à la médecine légale et aux expertises médicales. Leurs représentations ne correspondent pas à la réalité du terrain », analyse-t-il.
À la fac, la médecine légale est balayée et les stages inexistants, autant de freins à la découverte. « Peu de personnes savent que la médecine légale se compose à 90 % de vivant et 10 % de mort », précise le Dr Lefèvre. Les postes liés aux expertises médicales sont inconnus des jeunes. « Les médecins deviennent experts par exemple pour le secteur des assurances où la demande est de plus en plus forte », détaille le coordonnateur. Ce n'est pas un hasard si les acteurs du DES ont réclamé une augmentation du nombre de postes aux ECN.
Autre avantage attendu : l'uniformisation des formations. « Il y avait une variabilité dans les enseignements des DESC en fonction des régions. Ça peut être préjudiciable à la personne », poursuit le Dr Lefèvre.
Des ajustements sont nécessaires. La maquette de la phase socle impose une dizaine d'heures de cours qui ont tardé… « C'est une année de transition », temporise le Dr Lefèvre. Il faudra aussi lever le flou autour des formations spécialisées transversales (FST), sorte de double diplôme dans le cadre d'un projet professionnel. L'arrêté ne précise pas celles qui seront accessibles pour la médecine légale. Pas de quoi décourager Faustine. « Je ne regrette pas mon choix mais il faut qu'il ouvre d'autres portes à la médecine légale ».
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