Asthme, BPCO

Médicaments inhalés : pourquoi est-ce difficile ?

Publié le 17/11/2017
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Contrairement à une idée souvent répandue, l’asthme reste fréquent chez les seniors. Quant à la BPCO, sa prévalence augmente avec l’âge. Chez ces patients, la prise en charge peut poser problème, en particulier pour les traitements inhalés.
Asthme

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Crédit photo : SPL/PHANIE

Contrairement à une idée souvent répandue, l’asthme reste fréquent chez les seniors. Quant à la BPCO, sa prévalence augmente avec l’âge. Chez ces patients, la prise en charge peut poser problème, en particulier pour les traitements inhalés.

La prévalence de l’asthme dans la population adulte est proche de 6 %, et même un peu plus élevée chez les personnes âgées : 7 % au-delà de 60 ans. Comme rappelé en 2010 dans la Revue des maladies respiratoires, l’affection peut être sévère chez les seniors, les décès par asthme étant plus fréquents que dans une autre classe d’âge, et les durées d’hospitalisation plus longues. Pour ce qui est de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), sa prévalence croît avec l’âge, pour atteindre 15 % après 65 ans.

Pour ces seniors, les recommandations thérapeutiques sont les mêmes que pour l’ensemble de la population adulte, même si dans les essais thérapeutiques les patients âgés sont rarement inclus. Les produits inhalés étant incontournables pour ces pathologies, se pose la question de leur prise correcte chez les seniors. Les dispositifs permettant leur inhalation sont de plus en plus diversifiés, ce qui peut leur rendre la tâche peu aisée.

La bonne délivrance

L’altération de la motricité fine et un éventuel tremblement peuvent compliquer l’utilisation des dispositifs. Appuyer sur la cartouche de spray, parfois bras tendu si on s’aide d’une chambre d’inhalation, soulever un levier pour certains sprays, recharger une dose de poudre sèche (gélule ou réservoir), ou mettre en place la cartouche d’un brumisat… Ces manipulations peuvent être plus ou moins bien réalisées, en fonction du dispositif utilisé. Les troubles de la vue peuvent aussi empêcher l’appréciation des doses restantes dans certains dispositifs et conduire à un traitement non pris. La baisse de l’acuité auditive nuit à la perception du déclic, lequel accompagne les manœuvres de nombreux dispositifs pour témoigner d’une bonne exécution.

Rappelons les erreurs communes lors de l’inhalation : trop rapide – avec les aérosols doseurs – ou trop lente – avec les poudres sèches –, et l’absence de pause respiratoire en fin d’inspiration. Fréquente chez les patients âgés, la mauvaise utilisation de ces dispositifs occasionne des recours aux services d’urgence, avec une escalade thérapeutique (corticostéroïdes systémiques) qui peut être nuisible pour le patient. Lors de la prescription d’un dispositif, choisi en accord avec celui-ci, il est indispensable qu’une information sur sa bonne utilisation soit apportée. Le pharmacien, l’infirmière, éventuellement le kinésithérapeute et l’aidant familial peuvent participer à la vérification répétée du bon usage du dispositif.

Inhalés, indésirables quand même

Les effets indésirables liés aux traitements inhalés sont peu importants, ce qui leur confère une grande sécurité. Néanmoins, ils sont probablement moins bénins aux âges plus avancés. Les corticostéroïdes inhalés (CSI) ont été jugés responsables de candidose oropharyngée, d’ostéoporose (ou aggravation de celle-ci), d’augmentation du risque de pneumonies, de cataracte et d’un amincissement avec fragilisation cutanée. Même si le niveau d’imputabilité de certains de ces effets indésirables n’est pas très élevé, il faut penser aux comorbidités, fréquentes à cet âge (ostéopénie, dénutrition, cataracte) et prescrire les CSI à bon escient, sans surenchère thérapeutique. Il ne faut pas négliger non plus le risque neuropsychiatrique, rare il est vrai, mais qui peut être difficile à rapporter à la prise médicamenteuse à cet âge.

Eviter le surdosage

Les bêta-2-adrénergiques ne sont pas indemnes non plus d’effets secondaires. Le tremblement est le plus visible et peut gêner la prise médicamenteuse. Le risque d’hypokaliémie sur le système cardiovasculaire ne semble pas clairement délétère, mais les sujets à comorbidités cardiovasculaires instables ne sont pas inclus dans les études... La prudence veut que l’on évite un surdosage, en cumulant par exemple des aérosols de bêta-2-adrénergiques avec la poursuite des prises par les dispositifs d’inhalation habituels du patient.

Les anticholinergiques inhalés peuvent être à l’origine de sécheresse buccale et de rétention d’urine chez les sujets à risque. Il faut donc rester attentif à la plainte des patients et éviter également le cumul aérosols – dispositifs d’inhalation habituels. Le risque cardiovasculaire n’est pas documenté de façon claire, mais cela a conduit à limiter leur prescription en nébulisation aux spécialistes (pneumologues et pédiatres). Par ailleurs, le risque d’aggravation d’un glaucome en cas de projection dans les yeux (nébulisation) ne peut être ignoré.

En France, le montelukast est le seul représentant des anti-leucotriènes destinés au traitement de l’asthme. Ils ont été très peu étudiés chez la personne âgée. Son effet d’épargne sur les cortico-stéroïdes est recherché et sa prise orale concourt à l’amélioration de l’observance. De même, il est intéressant dans l’asthme avec intolérance à l’aspirine. La possibilité d’effets neuropsychiques, souvent méconnus (en particulier sur le sommeil) doit conduire à interroger le patient ou son entourage de façon systématique.

Les risques de la polymédication

Cette question se pose, y compris avec les traitements pris sous forme inhalée. Les bêtabloquants, souvent prescrits à cet âge, suscitent une crainte légitime en raison du risque de bronchospasme et d’interaction avec les bêta-2-adrénergiques. Pour ce qui est de la BPCO, les bêtabloquants cardiosélectifs semblent  finalement sans danger et ils sont en outre bénéfiques pour la survie des patients souffrant de comorbidités cardiovasculaires. Pour ce qui est de l’asthme, les bêtabloquants comportent un risque non négligeable et ceux réputés cardiosélectifs perdent ce bénéfice à forte dose. La nocivité des anti-inflammatoires non stéroïdiens concerne une petite proportion d’asthmatiques souffrant de polypose nasosinusienne. Chez les patients dont l’état cardiovasculaire ou rhumatologique requiert l’utilisation d’aspirine, une induction de tolérance est possible, mais elle a été peu étudiée chez les patients âgés.

Dr Robert Barbier, pneumologue, Avignon

Source : lequotidiendumedecin.fr