Dans un contexte d’omniprésence du numérique dans la santé sexuelle des jeunes et les enjeux de santé publique associés, le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) a publié des recommandations le 4 juin 2025 pour mieux encadrer et accompagner les usages de manière équilibrée « entre gestion des risques et valorisation des potentialités offertes par le numérique ».
L’usage du numérique chez les adolescents et jeunes adultes est massif à raison de plusieurs heures par jour. Quand 96 % des 12-17 ans et 98 % des 18-24 ans possèdent un smartphone en 2024, 71 % d’entre eux déclarent ne pouvoir se passer d’Internet, même pour quelques heures ou une journée.
Ce n’est pas seulement une exposition à des contenus mais une forme de sexualité à part entière qui emprunte ces canaux. « La sexualité numérique n’est pas considérée comme telle par les adultes alors que pour ces jeunes ce sont de vraies relations », indique la Dr Carine Favier coprésidente de la commission « Jeunes » et médecin spécialiste des maladies infectieuses.
La sexualité numérique n’est pas considérée comme telle par les adultes
Dr Carine Favier coprésidente de la commission « Jeunes »
Des risques mais aussi des opportunités
Le numérique expose les jeunes aux violences sexuelles et sexistes, aux contenus haineux discriminatoires, à la désinformation, au partage de contenu intime (consenti ou non). En effet, la pornographie constitue une source d’information pour 23 % des femmes et 48 % des hommes de 18 à 29 ans. Facilité par les applications de rencontres, l’envoi de nudes concerne un tiers des femmes de 18 à 21 ans et 38 % entre 22 et 25 ans ; 26 % et 34 % des hommes aux mêmes âges. En 2023, 33 % des jeunes femmes et 25 % des jeunes hommes avaient déjà vécu une expérience préjudiciable en ligne.
Pour autant, le CNS appelle à ne pas négliger les opportunités que ces outils offrent aux jeunes. « Le numérique représente aussi un outil d’information, de socialisation et de découverte sexuelle. Il offre en ce sens des opportunités inédites et nombreuses : accès facilité à la prévention, à la contraception, à l’aide à distance, et création de communautés de soutien », lit-on dans le rapport.
Pour Romain Sicot, psychiatre et coprésident de la commission « Jeunes », « les espaces numériques et physiques sont complémentaires et interfacés ». Ainsi, les jeunes ne se contentent pas de consommer du contenu mais interagissent. Internet est « un lieu de partage et d’échange », un épicentre de soutien par les pairs, rassemblant des communautés et aidant à lutter contre l’isolement géographique ou culturel et à la stigmatisation.
De l’autonomie aux mineurs pour les données de santé
Les mineurs sont tout autant concernés par les enjeux de la santé sexuelle à l’ère du numérique mais ils ne disposent pas de la même autonomie ni de la liberté d’accès à leurs données de santé. Le CNS soulève notamment que même si la loi leur reconnaît un accès autonome aux soins et la protection du secret médical vis-à-vis du représentant légal, « les dispositifs numériques n’offrent pas toutes les garanties pour préserver la confidentialité ». « Il existe une incohérence : aujourd’hui les adolescents peuvent regarder des contenus néfastes sur les réseaux sociaux sans contrôle parental mais ne peuvent pas accéder à leurs données sur Mon espace santé sans que les parents ne soient au courant », dénonce Valérie Peugeot, membre de la commission. Les experts préconisent, en attendant une évolution législative, d’assurer le droit à l’opposition à la saisie des données dans l’espace numérique et appellent à mieux sensibiliser les professionnels de santé « quant à leurs obligations en la matière ».
Les mineurs sont par ailleurs exclus du dispositif Mon Test IST sans autorisation parentale et la gratuité n’est pas effective. Le CNS préconise, pour les adolescents comme pour les majeurs, de développer les Cegidd, de diversifier les offres de dépistage gratuites, de les rendre accessibles et les moderniser. Il appelle aussi à accroître la visibilité des services locaux et dématérialisés, aujourd’hui fragmentés, en établissant un répertoire national sur masante.fr agrégant toutes les informations des institutions et des associations validées.
Les diffuseurs de prévention manquent de culture numérique
Le rapport fait un focus sur les réseaux sociaux et la structuration des communautés d’influence en santé sexuelle, des outils permettant d’accéder à des ressources et services d’aide à distance. « L’accès à des informations fiables sur la santé sexuelle, les IST, la contraception sont des opportunités peu étudiées », souligne le Dr Sicot. « Nous n’ignorons pas les risques réels mais il est important aujourd’hui de sortir du discours dominant dans les médias qui dépeignent les réseaux sociaux en “ennemis de la société” », ajoute Valérie Peugot.
Si des contenus de piètre qualité circulent, d’autres discours sont particulièrement utiles, diffusés par les militants LGBT+, les soignants, les associations ou encore les travailleuses du sexe. Les experts invitent à s’inspirer de la charte de l’Ordre des médecins relative à la création de contenu et à l’adapter à l’ensemble des professionnels de santé en fonction des spécificités de chaque métier.
Pour aller vers des usages du numérique protecteurs et émancipateurs, le CNS insiste sur l’importance du « faire avec » les personnes concernées. « Si on pense pour les jeunes, on a toutes les chances de tomber à côté. Il y a un fossé culturel sur l’appropriation du numérique, c’est un savoir qui manque aux diffuseurs de prévention », alerte Romain Sicot. La Dr Favier exhorte à accompagner les jeunes dans la lecture critique des informations en ligne mais surtout à leur faire confiance car, dans leur grande majorité, ils savent identifier la désinformation. « On ne peut pas travailler avec eux sur le numérique si on est plein d’a priori », insiste-t-elle.
Comme illustré dans ces recommandations, la considération plus large de ce qu’englobe la santé sexuelle est adoptée par de nombreuses instances à l’international comme en France. « Le but n’est pas de reléguer au second plan l’épidémie de VIH ni les hépatites mais de les inclure dans une approche de santé sexuelle fonctionnant par problématique plutôt que par pathologie », explique Nathalie Bajos, présidente du CNS, organisme qui sera bientôt transformé en Conseil national de la santé sexuelle (CNSS).
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