DANS LES PAYS occidentaux, chaque année 2 diabétiques sur 100 sont atteints d’une ulcération de leur pied. Au cours de leur vie, 15 à 25 % des diabétiques présenteront un ulcère du pied et dans le monde une amputation est réalisée toutes les trente secondes chez un diabétique. En France, un amputé sur deux est diabétique. Le « pied diabétique » s’explique par l’association d’un traumatisme sur un pied neuropathique et/ou neuro-ischémique qui entraîne une ulcération, laquelle s’infecte secondairement.
Bilan.
La prise en charge du pied diabétique « est complexe en raison de la nécessité de prise en compte concomitante de la décharge des plaies, mal appliquée en raison de l’absence de douleurs, de l’artériopathie éventuelle, de l’infection et du traitement local ».
Une plaie chronique du pied diabétique à risques nécessite un bilan étiologique précis.
La date de début de la plaie n’est pas toujours facile à préciser. Si elle est très ancienne, il faut suspecter une ischémie ou une ostéite sous-jacente.
La mise en évidence du mécanisme de formation de la plaie retrouve dans l’immense majorité des cas une cause traumatique mineure, souvent difficile à retrouver. Son identification permet de supprimer tout frottement ou appui sur la plaie, ou de traiter un ongle agressif, par exemple. Son intérêt est également éducatif, afin d’éviter les récidives.
Causes.
Les causes les plus habituelles d’ulcérations du pied sont des chaussures inadaptées, un corps étranger dans la chaussure, une hyperkératose, des ongles traumatisants, la « pédicurie de salle de bain », les mycoses et les traumatismes thermiques, mécaniques ou chimiques, en particulier par les coricides.
L’exploration clinique de la plaie permet sa mesure précise pour suivre l’évolution de la cicatrisation. Une ostéite est suspectée par la présence d’un contact osseux à l’exploration au stylet boutonné métallique stérile, associée à des signes locaux d’infection. Sa recherche doit être systématique à chaque examen.
Examen.
L’examen clinique peut orienter le diagnostic entre un pied neuropathique ou ischémique.
Le pied neuropathique, le classique mal perforant plantaire, est indolore. Une hyperkératose témoigne de l’ancienneté de l’hyperpression.
En cas de pied artéritique, la peau est fine, dépilée, blanche et les ongles sont épais. Les pulpes d’orteils sont déshabitées et les pouls sont absents. La plaie sur pied ischémique est volontiers dorsale, latérale ou distale sur les orteils. Elle n’est pas entourée d’hyperkératose et peut survenir rapidement. Elle est douloureuse en l’absence de neuropathie associée, ce qui est rare. Elle peut être rapidement nécrotique
La chronicité d’une plaie du pied diabétique ne s’explique pas directement par l’existence du diabète ou d’une hyperglycémie mais d’abord par l’absence de décharge stricte, la présence d’une atteinte osseuse sous-jacente à la plaie passée inaperçue car asymptomatique et une artériopathie non évaluée précisément.
Signes de gravité.
La recherche de signes de gravité permet d’utiliser la classification de l’Université du Texas et la classification de l’infection. En cas de plaie neuropathique, les signes de gravité sont l’existence d’une infection des tissus mous. En cas de plaie ischémique ou neuro-ischémique, les signes de gravité sont locaux, mais aussi une altération de l’état général et des signes extensifs d’ischémie, nécrose ou gangrène.
« La décharge de la plaie doit être réévaluée régulièrement et sa mauvaise observance toujours évoquée en premier en cas d’aggravation de la plaie ou de retard inexpliqué de cicatrisation » (3).
Avant d’envisager le traitement, les explorations complémentaires font appel à la biologie, numération formule sanguine et C Reactive Protein en cas de signes cliniques infectieux, fonctions rénales et hépatiques, glycémie et hémoglobine glyquée. Des prélèvements bactériologiques sont envisagés en présence d’une infection cliniquement parlante. Des radiographies standard centrées sur la lésion, à renouveler en cas de doute, permettent le plus souvent d’identifier une ostéite. Un écho-Doppler artériel qui décrit précisément les axes sous-gonaux (tibiale antérieure tibiale postérieure et fibulaire) doit être fait systématiquement avant toute décision de geste chirurgical ou de débridement médical sur le pied.
Décharge.
La décharge stricte et permanente de la plaie, le traitement d’une ostéite éventuelle et la revascularisation par angioplastie ou pontage si nécessaire, l’optimisation du traitement antidiabétique et les soins locaux sont les éléments essentiels du traitement d’une plaie du pied diabétique. Cet aspect multidimensionnel explique la complexité de la prise en charge, assurée au mieux dans les centres de référence du pied diabétique.
*Unité de Podologie, Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière et CRF Les Trois Soleils, Boissise le Roi.
Références
Ricci P, et coll. Diabète traité en France : quelles évolutions entre 2000 et 2009. Bull Epidemiol Hebd. 2010;42-43:425-31.
Richard JL, Schuldiner S. Épidémiologie du pied diabétique. Rev Med Interne. 2008;29 Suppl 2:S222-30.
Ha Van G. Conduite à tenir face à une plaie du pied chez un diabétique. Rev Med Interne. 2008;29 Suppl 2:S238-42.
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