La recherche neuroscientifique avance, elle fuse même. Mais en matière de genre, et de différences des sexes, la chasse aux données reste vaine. Que l’on se situe dans le camp des adeptes ou des antis du genre, aucune étude ne peut à ce jour répondre de manière univoque. Le cerveau a-t-il un sexe ? Telle est la question à laquelle Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l’Institut Pasteur, a tenté de répondre.
Son objectif premier était de déconstruire les idées reçues, plus que de fournir de véritables réponses. Et pour cause, en matière de cerveau – et d’intelligence – notre ignorance reste immense. La seule certitude que la neurobiologiste brandit comme un étendard contre le sexisme ambiant, est l’influence majeure des apprentissages. La plasticité cérébrale, dorénavant admise par la communauté, en est le garant. Aussi, s’il existe des différences entre les sexes à la naissance, celles-ci seraient largement manipulables par les conditions offertes par l’environnement.
« Rien ne reste figé »
Une étude américaine publiée en 2012 (1) avait relevé pour seules différences comportementales, entre 0 et 3 mois, une motricité plus développée chez le garçon. Cette différence disparaissait après 3 mois, pour réapparaître à un an. D’autres variations apparaissaient plus tardivement. Entre autres : l’expression verbale plus précoce chez les filles à partir de 6 mois. Pour Catherine Vidal, les apprentissages interviennent très tôt : « Si les filles ont plus de facilité à s’exprimer, c’est peut-être parce qu’on les stimule plus verbalement. » La neuroplasticité aidant, l’expérience va largement l’emporter sur les petites différences innées pour sculpter le cerveau. « Rien ne reste figé depuis la naissance », avertit la chercheuse. Un espoir pour les neurosciences, dont les cliniciens pourraient se saisir… si seulement ils connaissaient ces différences, à même d’expliquer le sex-ratio de pathologies, comme l’autisme, l’hyperactivité et la maladie de Parkinson – plus fréquentes chez les hommes – et la maladie d’Alzheimer, plus fréquente chez les femmes.
Une éthique du genre
Mais si la recherche traîne sur la compréhension de ces différences, c’est qu’elle s’est trop longuement cantonnée à la catégorisation biologique homme-femme sans prendre en compte le contexte social et culturel. Sensibiliser les chercheurs à la question du genre, plus qu’à la simple différenciation des sexes, est le cheval de bataille du sous-groupe comité d’éthique de l’INSERM dénommé « Genre et recherches en santé ». L’objectif est de désamorcer les stéréotypes dont l’impact est largement préjudiciable autant dans la recherche que dans la pratique clinique.
En effet, à trop considérer le sexe comme un facteur de risque ou de protection, on met le voile sur les facteurs modifiables, et plus précisément ceux de l’expérience genrée. Celle-là même qui influence les fonctionnalités du cerveau, quelles que soient sa taille ou sa structure initiale. Comme le souligne Catherine Vidal, « il n’y a pas de relation simple de cause à effet entre la structure du cerveau et son fonctionnement ». De cette constatation, découle la suivante : le volume du cerveau, voire de régions plus spécifiques (comme le corps calleux par exemple), n’est pas un critère déterminant les capacités cognitives. Un défi, donc, pour les chercheurs qui doivent reconnaître la complexité de ces interrelations, aujourd’hui bien éloignées de la simple notion de cause à effet. Faut-il aller chercher du côté de l’intuition et de la créativité ? Peut-être… « Mais comment ? » s’interroge la neurobiologiste. « Ces notions sont tellement floues. Elles dépendent d’abord et avant tout de l’histoire et du vécu de la personne », précise-t-elle. Cette réponse nous ramène comme un ressort, à l’impact de l’environnement. Que les femmes aient en moyenne un plus petit cerveau, c’est une réalité. Que la qualité prévaut à la quantité est une autre vérité. Reste à savoir l’usage qu’on en fait !
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