Les progrès réalisés au niveau des traitements symptomatiques ont radicalement modifié l’espérance de vie des patients atteints de mucoviscidose. « De 5 ans dans les années soixante, elle est de 40 ans aujourd’hui », rappelle la Pr Harriet Corvol (Paris). Il existe 70 000 personnes atteintes dans le monde, 6 500 en France, où il existe 47 centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM).
La mucoviscidose est due à des mutations du gène CFTR. Il en existe environ 2000, réparties en 6 classes : les mutations de classe 1 entraînent un arrêt prématuré de la production de la protéine CFTR ; en classe 2, la protéine est fabriquée mais, mal repliée, elle est dégradée dans la cellule ; en classe 3, la protéine est fabriquée mais elle ne fonctionne pas. Dans les classes 4, 5, et 6, la protéine est présente, mais en moindre quantité ou elle fonctionne moins bien.
«Les mutations de classe 1, 2 ou 3 entraînent une forme classiquement sévère de la maladie, et celles de classe 4, 5 ou 6, une forme modérée. La priorité est de développer des thérapeutiques pour les patients sévères », précise la Pr Corvol.
Un premier espoir repose sur la thérapie génique, visant à agir directement sur le gène défectueux. « Le grand avantage de cette approche, c’est qu’elle permettrait d’être efficace pour des patients porteurs de n’importe quelle mutation. Mais pour l’instant, il faut reconnaître qu’il n’y a pas d’avancées spectaculaires sur ce plan. En 2015, il y a quand même eu la publication d’un essai de phase 2B. Les patients recevaient soit une inhalation du gène CFTR normal, conditionné avec des vecteurs lipidiques, soit un placebo. On a constaté une amélioration seulement modeste de la fonction respiratoire », indique la Pr Corvol.
Actuellement, la piste la plus prometteuse est celle des traitements dits protéiques. « Dans les mutations de classe 3, l’ivacaftor (Kalydeco, Vertex) vise à activer la protéine CFTR, présente mais non fonctionnelle. L’essai réalisé en 2011 a montré une importante amélioration du VEMS (10 points) dès 15 J de traitement, qui se maintient, une diminution des exacerbations respiratoires, et des hospitalisations. La qualité de vie des patients s’améliore, ils reprennent du poids. Bref : c’est une molécule vraiment intéressante mais qui concerne moins de 5 % des patients, car ces mutations sont très rares. Le coût est d’environ 250 000 €/an par patient », indique la Pr Corvol.
Déception en revanche dans les mutations de classe 1, lors d’un essai de 48 semaines vs placebo, publié en 2015 avec l’ataluren (Translarna) – qui a un AMM dans la myopathie de Duchenne – qui montre des résultats équivalents à ceux de la thérapie génique, avec seulement 3 % d’amélioration du VEMS.
L’actualité la plus récente concerne les mutations de classe 2, et plus particulièrement delta F508, la plus fréquente. « Cette mutation est présente chez 70 % des patients, et 50 % en ont deux copies, précise la Pr Corvol. Le laboratoire Vertex a développé le lumacaftor, un correcteur qui permet de capter la protéine CFTR-delta F508 et de l’adresser à la membrane avant qu’elle ne soit dégradée. Mais on a constaté que son action seule n’était pas suffisante : la protéine est bien adressée à la membrane mais ne fonctionne pas. La firme a donc ajouté au lumacaftor l’ivacaftor, dans l’association Orkambi ».
Un essai en double aveugle a été publié en 2015, avec près de 700 patients dans le monde, un chiffre très élevé pour une maladie rare. « On a constaté une amélioration modeste du VEMS (3 %) mais une baisse drastique des exacerbations respiratoires, avec une diminution de près de 60 % d’événements pouvant conduire à une hospitalisation, précise la Pr Corvol. Cette association a été commercialisée en juillet 2015 aux États-Unis au coût de 250 000 dollars/an, pour les patients de plus de 12 ans avec deux mutations delta F508. En France, il est disponible en ATU de cohorte depuis novembre. Deux patients le prennent déjà à Trousseau. Nous restons prudents. Cette molécule est potentiellement très intéressante même si l’amélioration sur la fonction respiratoire reste encore modeste ».
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