EN TRENTE ANS, la mortalité cardio-vasculaire a été réduite de 50 %, notamment grâce à une meilleure prévention, aux progrès de l’angioplastie et de la chirurgie et aux programmes de réadaptation. Pourtant, si les patients cardiaques vivent mieux et plus longtemps, le taux de reprise et de maintien au travail dans cette population n’a quasiment pas évolué au cours de cette période, et, selon l’étude PERISCOP (1), après un pontage coronaire, seuls deux tiers des patients reprennent, au long cours, une activité professionnelle. « Dans cette étude, les principaux paramètres influençant la reprise du travail étaient, à côté des symptômes résiduels, d’ordre psychosocial, avec un net gradient nord-sud », a souligné le Dr Bernard Pierre, avant de préciser que le taux de reprise du travail est proche de 100 % chez les sujets exerçant une profession libérale ou indépendante. Les facteurs de mauvais pronostic sont assez bien cernés : âge élevé (proche de la retraite), sexe féminin, bas niveau socio-culturel, métier pénible, non motivant et mal rémunéré, taille de l’entreprise, conflits professionnels antérieurs, syndrome dépressif réactionnel sévère, symptômes résiduels, faible capacité maximale d’effort (< 5 METS).
Le médecin du travail a un rôle clé.
Il est nécessaire d’informer précocement les patients et leur entourage sur la nécessité d’une reprise du travail, de ces effets positifs sur la thymie et la qualité de vie et du fait qu’elle peut être facilitée par le suivi d’un programme de réadaptation. On peut déplorer qu’après un syndrome coronaire aigu, seul un patient sur cinq bénéficie d’une réadaptation. « En pratique, il ne faut pas dépasser le seuil de six mois d’arrêt de travail, les reprises après ce délai étant peu fréquentes. La visite de préreprise auprès du médecin du travail, qui permet d’apprécier l’adéquation entre le poste et le profil du patient, joue dans ce contexte un rôle important », a indiqué le Dr Pierre.
Le médecin du travail, en lien avec le médecin réadaptateur et le cardiologue, a un rôle clé puisqu’il est chargé de définir l’aptitude ou l’inaptitude d’un sujet pour un poste donné. Sa décision est prise au terme de l’analyse du bilan précis du patient et de son poste, ce qui implique à la fois de bien connaître le dossier médical du patient (transmis par le patient lui-même) et les contraintes liées au poste. Des adaptations peuvent être proposées (transformation de poste, mutation).
« Le médecin du travail peut considérer le salarié comme apte, apte avec restrictions ou préconisations (que l’employeur doit suivre) ou inapte. Par respect du secret médical, aucun diagnostic précis n’est mentionné sur la fiche d’aptitude », a souligné le Dr Fabrice Locher.
Les critères pour la décision d’aptitude sont de trois ordres. Ils sont tout d’abord cliniques, avec les signes résiduels à type d’angor, de dyspnée d’effort, de palpitations, de dépression (extrêmement fréquente, la prévalence atteignant 70 % chez les insuffisants cardiaques). Paracliniques ensuite, avec une épreuve d’effort récente et une échographie cardiaque. Par exemple, une altération sévère de la fonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection ‹ 30 %) est associée à un niveau de risque élevé (mortalité› 10 % à un an). Enfin, la pénibilité cardiaque du poste peut être évaluée au moyen d’une cardiofréquencemétrie, de la mesure ambulatoire de la pression artérielle et du Holter rythmique. « Le meilleur reflet de la pénibilité cardiaque du poste est le coût cardiaque relatif, a précisé le Dr Locher. Il tient compte de la fréquence cardiaque au repos et de la fréquence cardiaque maximale théorique ».
D’après les communications des Drs Bernard Pierre, président de Coeur et Travail, et Fabrice Locher, cardiologue, médecin du travail ACMS.
(1) Sellier P et coll. Factors influencing return to work at one year after coronary bypass graft surgery: results of the PERISCOP study. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil 2003;10(6):469-75.
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