LA RÉPUTATION du programme Mobiqual n’est plus à faire. Initialement lancé dans le cadre du plan de lutte contre la douleur 2006 – 2010 puis intégré au sein du programme de développement des soins palliatifs 2008 – 2012, le dispositif n’a pas failli à ses objectifs. Mise en œuvre par la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie, la « mallette » a participé, comme il se devait à l’amélioration des pratiques professionnelles dans le champ de la douleur. Selon le Dr Tanneguy Pialoux, gériatre en équipe mobile de soins palliatifs et médecin coordonnateur d’EHPAD (63), l’amélioration récente de l’évaluation algique est à relier avec la mise à disposition de l’outil : « Simple et facile à utiliser ».
L’évaluation du dernier plan de lutte contre la douleur a d’ailleurs reconnu l’« avancée » obtenue grâce au programme en matière de diagnostic de la douleur et d’accompagnement de fin de vie (1). Principalement ciblé sur les EHPAD – dont les trois quarts disposent à ce jour d’au moins un outil – Mobiqual fournit tous les éléments nécessaires à la formation du personnel : films de sensibilisation, échelles d’auto et d’hétéro-évaluation (dont Algoplus et Doloplus), posters, fiches de suivi de patient etc..
Un outil spécifique à domicile.
Plus récemment, un outil spécifique « douleur à domicile » a été développé, à destination de tous les intervenants, de l’auxiliaire de vie au médecin traitant. Autant de supports amenés à sensibiliser les professionnels de la santé, désormais bénéficiaires d’un langage commun. Un plus pour la qualité et la continuité des soins.
Cependant des efforts restent à faire en matière de bientraitance et de repérage de la souffrance morale et psychique chez les personnes âgées. Thématiques pour lesquelles d’autres outils Mobiqual (« dépression » et « bientraitance ») ont été développés. Selon le Dr Tanneguy Pialoux : « Il y a beaucoup à faire ». Par exemple sur l’interprétation des signes évoquant la douleur physique ou psychique : « Ce n’est pas parce qu’il grimace, qu’il s’agit forcément de la douleur. On est peut-être plutôt dans une stimulation agressive ou dérangeante. » Même chose pour les résidents déments qui présentent une aggravation des troubles du comportement : « La douleur est une étiologie trop peu recherchée », regrette-t-il.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près d’1/4 des résidents d’EHPAD se sont sentis dans un « réel inconfort physique » au cours de leur dernière semaine de vie, selon les premiers résultats de l’étude nationale menée par l’Observatoire National de la Fin de Vie (2). Pour le Dr Tanneguy Pialoux, l’expertise médicale n’est pas toujours au rendez-vous. Malgré l’existence diffuse d’équipes mobiles et de Réseaux de soins palliatifs, 1/3 des EHPAD n’en ont jamais sollicité au cours de l’année 2012 (2). Ce qu’il regrette, c’est que les médecins intervenant en EHPAD sont insuffisamment formés, notamment sur le maniement des antalgiques – « morphinique ne signifie pas fin de vie imminente ! » – autant que sur les réponses non médicamenteuses à la douleur. Ce manque d’expertise ferait-il le lit de la télémédecine ? C’est en tout cas l’idée du coordonnateur d’EHPAD du 63, qui rêve de consultations à distance menées par des gériatres vacataires formés à la douleur.
Des médecins peu armés.
Mais les médecins en EHPAD ne sont pas les seuls concernés par l’évaluation de la douleur chez les personnes âgées. Les médecins traitants gardent une place indétrônable, même lorsque le patient est institutionnalisé. À une semaine de la fin de vie, le médecin coordonnateur estime que le médecin traitant a été impliqué dans 84 % des situations (2). Et lorsqu’il s’agit d’HAD, le rôle du médecin traitant n’est plus à discuter. Sont-ils suffisamment formés ? Le Dr Yves Passadori, président du Réseau Alsace Gérontologie, note que la formation au programme Mobiqual « douleur à domicile » n’attire pas les médecins traitants. Alors même que la formation initiale est loin d’être complète : « La douleur chez les personnes âgées est supposée être un terrain connu », s’explique le gériatre alsacien. S’il a pu inclure la formation Mobiqual aux Formations Médicales Continues d’Alsace, c’est à sa propre initiative. Et c’est avec dépit qu’il constate que « les médecins généralistes ne sont pas armés ». Notamment dans le repérage de la douleur des non communicants. Si le Dr Yves Passadori garde de l’espoir, c’est que le personnel paramédical est très en demande et sensible à cet apprentissage : « Si on propose des outils à tout l’environnement du médecin, il y a des chances que ça évolue. Mais si on pouvait les former de façon connexe ça serait idéal. »
(1) Bourdillon F et coll. Évaluation du plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur 2006 — 2010, Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2011) 12, 129—139
(2) La fin de vie en EHPAD, premiers résultats d’une étude nationale (2013), Observatoire National de la Fin de Vie
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