› Dossier carrières médicales
LA GÉRIATRIE NE PEUT PLUS se découvrir par hasard. L’allongement de l’espérance de vie s’accompagne depuis une dizaine d’années d’un étrange paradoxe. On vit de plus en plus vieux en France, mais en moins bonne santé et l’âge jusqu’auquel on peut espérer vivre sans incapacité physique ou mentale chute inexorablement pour atteindre en moyenne 62 ans chez les hommes et 63 ans chez les femmes selon l’INSEE. Cette pluie de statistiques dissimule des besoins colossaux en termes de prise en charge ; le conseil national de l’Ordre des médecins n’hésite plus à sonner l’alerte face à la pénurie de médecins tant redoutée.
L’inquiétude concerne d’abord les gériatres dont les rangs sont plutôt clairsemés. Cette année, ils sont 1 222 inscrits au tableau de l’Ordre mais d’ici cinq ans il en faudra 3 fois plus dans les structures publiques et privées pour s’occuper de ces aînés dont la très grande majorité souffre, à plus ou moins long terme, de pathologies associées. « La polyvalence du gériatre permet de prendre en charge des patients qui souffrent à la fois du cœur, du cerveau, des reins. Nous sommes les spécialistes de cette polymédication qui impose une vision médicale complète », explique le Pr Marc Paccalin, gériatre au CHU de Poitiers. Ce jeune chef de service de 44 ans ne tarde pas à mettre le doigt sur un symptôme qui lui semble freiner les vocations précoces. Il déplore n’avoir jamais reçu ne serait-ce qu’une heure de cours sur l’Alzheimer lors de ces premières années d’études à Bordeaux. « La formation aux maladies neurodégénératives est pourtant devenue indispensable et il y a aujourd’hui un énorme besoin en formation complémentaire », insiste-t-il. Le Pr Philippe Chassagne, chef de service de médecine interne et gériatrie à l’Hôpital de Bois-Guillaume à Rouen, membre du collège national des enseignants de gériatrie le rejoint. « Il est urgent de renforcer la formation initiale pendant l’internat, comme dans le cadre d’un parcours d’enseignement complémentaire. Les capacités de gérontologie destinées aux médecins généralistes qui au terme de 10 à 15 ans d’exercice dans un cabinet de médecine générale permettent de travailler en établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne doivent pas faire oublier que le réservoir des gériatres de demain est ailleurs. »
Le collège national des enseignants de gériatrie réclame depuis longtemps la création d’un internat spécifique pour ne plus puiser dans le creuset de la médecine générale, et surtout transmettre les très nombreuses connaissances issues d’une recherche récente extrêmement dynamique ou tout reste à faire. Le maigre bataillon de 200 jeunes gériatres qui empruntent la voie du diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) est encore contraint d’abandonner leur première spécialité. « Cette formation dure 3 ans, et nous produisons donc aujourd’hui 60 gériatres par an. En 2011, 180 postes ouverts au concours national de praticiens hospitaliers étaient à pourvoir et les jurys n’en ont sélectionné que 130 », s’inquiète le Pr Chassagne qui défend l’idée que la gériatrie a désormais sa place parmi les autres spécialités médicales.
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