Dermatites professionnelles

Irritation ou allergie, telle est la question...

Publié le 11/04/2014
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Contrairement aux idées reçues, seules 20% des dermatoses de contact sont d’origine allergique. Les autres relèvent plus de l’irritation et sont généralement moins sévères et moins péjoratives pour l’avenir professionnel du patient.

Crédit photo : SPL/PHANIE

Les eczémas de contact représentent la première cause de dermatoses professionnelles. Les dermatoses irritatives (DIC) sont des dermatoses non spécifiques, où l’inflammation est liée à l’activation de l’immunité innée par la toxicité directe des produits tandis que les dermatoses d’origine allergique (DAC) correspondent à une réponse immunitaire adaptative de type hypersensibilité retardée, l’inflammation étant secondaire à l’activation des lymphocytes T.

La question de la distinction entre allergie et irritation est un problème récurrent en médecine du travail, les DAC, qui correspondent à 20% des dermatoses de contact étant généralement plus sévères et susceptibles de grever l’avenir professionnel du patient. Néanmoins, elles sont souvent intriquées et l’irritation fait le lit de l’allergie ; la prévention de la DAC passe aussi par la prévention de l’irritation cutanée.

Devant des lésions erythémato-œdémateuses, plus ou moins suintantes, la clinique échoue la plupart du temps à différencier allergie et irritation. « Le mode évolutif peut parfois nous aider, un eczéma d’origine allergique s’améliorant bien moins rapidement après traitement et éviction que les dermatoses irritatives, remarque le Pr Christian Géraut (dermatologie et médecine du travail à Nantes, membre de l'Académie de Médecine). Des lésions ininterrompues survenant pour un contact minime avec un produit orientent plutôt en faveur d’une origine allergique ».

Une enquête de détective

L’interrogatoire est la pièce maitresse du diagnostic : il relie la survenue des lésions aux périodes occupationnelles, s’enquièrt précisément des conditions de travail en se basant sur une connaissance exacte des produits, de leur causticité et allergénicité éventuelles, des manipulations effectuées, des moyens de protection, etc.

Les patients ne savent pas toujours décrire leurs gestes professionnels et il est parfois nécessaire d’aller sur place avec le médecin du travail pour identifier toutes les substances employées, le composant allergisant ou irritant ne se laissant parfois pas facilement démasquer. « Ainsi, nous nous sommes trouvés devant des lésions du dos des mains chez des travailleurs en cuisine, étiquetées comme allergiques, mais correspondant en fait à une irritation par la soude utilisée pour nettoyer le four… », commente le spécialiste. Les tests spécialisés ne prennent place qu’après cette étape, sous peine d’erreurs d’interprétation. « On a déjà vu des diagnostics d’allergie posés sur des tests… pratiqués avec des substances caustiques ! »

Des tests immunologiques recherchant au niveau de la peau ou du sang des lymphocytes spécifiques des allergènes de contact permettraient de rapporter à l’allergie un eczéma de contact, mais ces techniques restent actuellement du domaine de la recherche.

Les « ordonnances de prévention »

Les traitements pharmacologiques, corticoïdes à faible dose et anti-histaminiques en cas de prurit n’ont qu’un impact symptomatique. Seule la prévention du contact avec le produit en cause permet, dans la plupart des cas, de guérir des patients en les maintenant dans leur emploi. Les « ordonnances de prévention » reposent sur l’analyse des gestes professionnels en montrant les manipulations déclenchant les lésions, sur le recours à des équipements de protection individuelle après guérison des lésions et sur l’éviction éventuelle du produit ou du contact avec le produit dans l’entreprise, si cela est possible, en concertation avec le médecin du travail.

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr