Le médecin généraliste a un rôle de suivi des enfants de plus en plus important. Il peut donc être amené à repérer et évaluer des situations de maltraitance, qui ne sont malheureusement pas si rares. Selon une revue de la littérature publiée dans le Lancet en 2009, 15 % des enfants seraient victimes de maltraitance dans les pays à haut niveau de revenus. Or, seuls 5 % des signalements d’enfants en danger proviennent du secteur médical.
Une étude qualitative a été menée par la Dr Anne Estève (Rennes) auprès de quatorze médecins, dont deux avaient déjà transmis une information préoccupante à une cellule de recueil des informations préoccupantes (crip), après avis d’un médecin spécialisé. L’étude a mis en évidence les causes des difficultés des médecins à ce sujet. Tout d’abord, le faible nombre de situations rencontrées : « Je n’ai pas été confronté à la violence physique ou psychologique, mais il y a peut-être des cas que je n’ai pas vus… », rapporte un médecin interrogé. Autre obstacle souvent évoqué, la crainte d’une erreur de jugement et de ses suites. Les généralistes redoutent de signaler à tort une maltraitance, de déclencher une procédure judiciaire pouvant être lourde de conséquences, ou d’être poursuivis pour fausse dénonciation. À ces réticences s’ajoutent aussi des difficultés morales : « J’ai peur de passer du côté du juge, de l’accusateur », explique un médecin. Mais la loi du 5 mars 2007 précise bien que le professionnel de santé n’a pas à être certain de la maltraitance ni à en apporter la preuve pour alerter l’autorité compétente. Il doit fonder sa suspicion sur un faisceau d’arguments.
Un sentiment d’isolement
De plus, les médecins généralistes ne connaissent pas tous très bien les procédures et ne se sentent pas bien formés à la sémiologie particulière de la maltraitance. Par ailleurs, les situations rencontrées sont généralement complexes, et le médecin se sent isolé pour y faire face. Il est confronté à la difficulté du partage d’informations et de la transmission de ses inquiétudes. Il éprouve un sentiment de solitude, et déplore la difficulté à trouver des soutiens possibles : « Ce qui est difficile, c’est l’absence de relation, de cohésion. Je me sens seul », confie un généraliste interrogé. En fait, la maltraitance d’enfants autorise une dérogation au secret professionnel. La loi de 2007 a donné un cadre légal à la notion de secret professionnel partagé.
En conclusion, si le médecin généraliste est en position de jouer un rôle essentiel dans la détection et la prévention des situations de maltraitance infantile, il rencontre des difficultés dans la gestion de ces situations complexes. Un travail collectif et complémentaire de tous les intervenants semble nécessaire. Le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019 a prévu la généralisation de pôles de référence hospitaliers avec des médecins spécialisés.
Communication de la Dr Anne Estève (Rennes) « Les difficultés des médecins généralistes à aborder la maltraitance infantile »
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