Comment évaluer la perte de chance dans le domaine médical ? Cette notion peut-elle s’appliquer à un patient n’ayant pu bénéficier d’un traitement peut-être plus efficace dans le cadre d’un essai clinique, et ouvrir un droit à une indemnisation ? « Il s’agit là des questions qui peuvent se poser dans un domaine comme la cancérologie, où l’innovation thérapeutique est importante, explique Me Jean-Christophe Boyer, avocat au barreau de Paris, spécialisé dans le droit médical. En fait, cette notion de perte de chances, assez ancienne en droit, s’avère assez complexe à appréhender. Évaluer la perte de chance oblige à imaginer une situation qui n’a pas existé. En matière médicale, cela suppose d’évaluer ce qu’aurait été l’état du patient si, par exemple, il avait pu bénéficier de soins moins tardifs ou s’il avait eu la chance de bénéficier d’un traitement plus efficace. Mais, en médecine, on travaille sur l’humain, et on n’est jamais complètement certain que l’état du patient aurait pu être meilleur s’il avait pu bénéficier d’un traitement a priori plus efficace. Il y a toujours une part d’incertitude sur la manière dont, individuellement, un patient va réagir à elle ou telle thérapeutique. »
Ces questions peuvent se poser à l’occasion d’un essai clinique visant à comparer un nouveau médicament avec un traitement de référence : « Quand il entre dans un essai, le patient ne sait pas s’il va prendre le nouveau traitement. On peut se demander s’il ne subit pas une perte de chance s’il prend le traitement déjà sur le marché, ou, à l’inverse, s’il reçoit le nouveau et que celui-ci se révèle moins efficace qu’espéré. »
Défaut d’information
Mais, avant d’entrer dans un essai clinique, un patient doit exprimer son consentement éclairé, qui suppose qu’il a été informé de tous les aléas pouvant découler de la participation à un protocole de recherche. « Depuis quelques années, il y a une tendance à renforcer le consentement des patients, pour qu’ils entrent dans les essais thérapeutiques en assumant les risques inhérents à toute recherche », affirme Me Boyer, en ajoutant qu’en droit médical la notion de perte de chance doit être liée à une responsabilité pour faute : « Pour obtenir une indemnisation, il faut pouvoir démontrer qu’il y a eu faute de la part du médecin. Sans faute, il ne peut y avoir d’indemnisation pour perte de chance. Et, en matière d’essais cliniques, les fautes démontrées restent rares. »
« Cependant, au niveau de la jurisprudence, poursuit l’avocat, on assiste à un mouvement de compensation de la part de certains juges face à des cas humainement très compliqués. Parfois, ils essaient de rechercher non tant la faute dans le soin ou le diagnostic qu’un défaut de consentement. Car si le consentement n’est pas complet, il peut y avoir un fait générateur ouvrant droit à une indemnisation. Il arrive que certains juges trouvent des fautes dans un défaut d’information des patients, estimant que, dans ces conditions, ceux-ci n’ont pas donné un consentement réellement éclairé. »
D’après un entretien avec M e Jean-Christophe Boyer, avocat au barreau de Paris
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