À quoi ont servi les URPS ?

En Bretagne, la coordination renforcée pour réussir le virage ambulatoire

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Publié le 19/02/2021
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À quelques semaines des élections en médecine libérale, « Le Quotidien » poursuit son tour de France des URPS, en présentant dans chaque région un projet emblématique. Zoom sur la Bretagne où les élus ont misé sur la collaboration étroite entre chirurgiens, généralistes et infirmiers pour améliorer les sorties de chirurgie ambulatoire.

L'équipe de l'URPS avec, en partant de la droite, les Drs Labarthe et Le Hetet

L'équipe de l'URPS avec, en partant de la droite, les Drs Labarthe et Le Hetet
Crédit photo : Stéphane Maillard

« Je voyais une patiente qui pouvait sortir à la suite d'une opération de la vésicule biliaire. Je voulais savoir si sa prise en charge allait bien se passer et ce que je pouvais faire… », se souvient le Dr Hubert Le Hetet, élu de l'URPS ML Bretagne.

C'était en 2004. Avec son équipe de l'hôpital privé Sévigné, situé à Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), l'anesthésiste décida d'interroger 180 malades sur les difficultés rencontrées après leur sortie d'établissement. Douleurs, nausées, vomissements mais aussi isolement et rupture du parcours de soins, etc. : c'est pour diminuer ces « inconforts » que l'idée d'une coordination territoriale renforcée avec les généralistes et les infirmiers a germé. Pour des opérations programmées (amygdalectomie chez l'enfant, hernie inguinale chez l'adulte, cholécystectomie, résection trans-urétérale de prostate), l'équipe chirurgicale a imaginé, en concertation avec des généralistes, un processus rigoureux labellisé « AOC » (anticiper, organiser et coordonner).

Dossier de liaison et ordonnance de sortie

Pour renforcer les liens entre l'établissement et les libéraux du territoire, un dossier de liaison ville-hôpital est créé systématiquement où figurent les informations concernant l'intervention du patient. « On lui fournit aussi des fiches explicatives sur les effets indésirables, les complications potentielles. Les mêmes fiches sont distribuées en amont de la chirurgie aux médecins traitants », explique l'anesthésiste.

Le patient de retour à domicile bénéficie dès le lendemain d'une consultation du médecin traitant pour réévaluer la situation. « Le médecin remplit un questionnaire d’évaluation avec une trentaine d’indicateurs (douleur, vomissements, hémorragie, sommeil, état général, etc.) et le renvoie à la clinique », ajoute le Dr Le Hetet. En fonction de ces retours, l'équipe chirurgicale réadapte le protocole et les ordonnances de sortie. Une façon aussi de remettre en question ses propres pratiques grâce à l'approche transversale. De surcroît, le généraliste traitant peut joindre 24h/24 une infirmière de l'unité de chirurgie ambulatoire ou l'anesthésiste de garde via un numéro dédié. Les médecins de ville ont été incités par l'URPS à participer à cette cellule de vigilance.

Entre 2006 et 2016, 6 114 patients ont bénéficié du programme, et 862 généralistes. Grâce aux retours d'informations des libéraux (75 % sont engagés) et à ce lien territorial, l'équipe a amélioré ses pratiques. Le taux de survenue des nausées et vomissements postopératoires concernant les cholécystectomies a chuté grâce à la révision des ordonnances de sortie. Le suivi des résections trans-urétérales de prostate laser par les infirmiers libéraux a permis d'améliorer l'information du patient sur la conduite à tenir et l'hydratation, d'obtenir un taux d'ablation de la sonde urinaire plus précoce et un très faible taux de ré-hospitalisation. Pour les amygdalectomies chez l’enfant, l'URPS-ML souligne la sécurisation du retour à domicile pour les parents.

Parole du généraliste écoutée

Le Dr Thierry Labarthe, médecin généraliste, élu URPS et président de l'association Geco Lib' (groupes libéraux d'exercice coordonné), salue ces avancées. « Les généralistes étaient frileux au départ mais on s'est rendu compte que c'était possible. La parole des généralistes est vraiment écoutée ! Quand on indique une douleur du lendemain, un trouble du sommeil, l'équipe chirurgicale adapte tout de suite le protocole », se félicite le médecin.

Malgré ces bons résultats, l'URPS regrette que ce programme innovant – associant des outils de coordination et une démarche qualité ville/établissement – n'ait pas eu d'écho national, à l'heure où la chirurgie ambulatoire est érigée en priorité. « Cette coordination permet non seulement développer la chirurgie ambulatoire mais aussi de réduire les dépenses de santé », défend le Dr Loïc Kerdiles, vice-président de l'URPS ML. L'anesthésiste cite une étude démontrant que chaque euro investi dans l'exercice coordonné en chirurgie ambulatoire rapporte jusqu'à 7 euros… Selon cet élu, « l'hôpital public aurait tout à gagner à appliquer notre programme ».

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin