Si le soulagement de la douleur chez l’enfant reste une réelle préoccupation des soignants, les difficultés se sont accrues depuis la restriction de la codéine chez les moins de 12 ans en 2013. « Mon impression, partagée, est une certaine régression de la prise en charge antalgique », regrette le Dr Élisabeth Fournier-Charrière, (centre d'étude et de traitement de la douleur et de la migraine de l'enfant, CHU Trousseau – Paris, association Pédiadol). Faute d’antalgique alternatif, la prise en charge de la douleur intense ou résistante aux antalgiques de palier 1 est devenue compliquée.
Pour guider les praticiens, la HAS a publié en 2016 des recommandations sur les alternatives à la codéine qui valident un recours relativement large à certains opioïdes type tramadol et morphine orale pour les douleurs pédiatriques sévères ou réfractaires. Mais leur usage reste confidentiel.
Malgré des indications potentielles en ville assez nombreuses (douleurs sévères post-fracture, entorse, brûlures, mais aussi gingivo-stomatite voire otites moyennes hyperalgiques, etc.), la morphine orale suscite encore des réticences fortes et aucun indice ne préfigure une augmentation des ventes.
“Ibupronènophobie”
De son côté, le tramadol a été suspecté de pouvoir entraîner une dépression respiratoire chez les enfants ayant un métabolisme particulier (polymorphisme du gène codant pour le cytochrome P450), ce qui complique sa prescription. Au nom du principe de précaution, les États-Unis l’ont interdit avant 12 ans. L’Europe n’a pas suivi, mais incite à la vigilance en cas de risque d’apnée du sommeil sévère (surtout en post-amygdalectomie) ou toute situation entraînant une obstruction des voies aériennes ou une dépression respiratoire.
Par rapport à début 2013, on constate une forte augmentation des ventes en libéral de tramadol pour la période juin 2013-juin 2015, allant de +71 % à 102 % selon les spécialités. « Mais c’est encore insuffisant, et cela ne concerne pas les 1-3 ans pour lesquels il n’existe pas de solution simple », tempère le Dr Fournier-Charrière. Dans cette tranche d’âge on passe directement du paracétamol/ibuprofène à la morphine orale.
L’« ibuprofènophobie » est aussi vive en France, depuis l’alerte de l’ANSM suggérant un risque accru de fasciite nécrosante en cas de varicelle. Même si « aucun lien de causalité n’a pu être prouvé », cette suspicion, qui a conduit la HAS à proscrire les AINS en cas de varicelle, a laissé des traces.
Pour les praticiens, la crainte actuelle est surtout d’aggraver une infection ORL existante. Pourtant, aucun lien de causalité n’a pu être prouvé entre les AINS et ce type d’infection, rassure la Société française d’ORL. Des études ont par ailleurs montré que l’hémorragie digestive sous AINS est exceptionnelle chez l’enfant, à l’instar de l’insuffisance rénale aiguë.
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