Une autorisation temporaire a été donnée il y a un an par l’ANSM afin d’expérimenter le cannabis thérapeutique dans les douleurs chroniques, certaines formes d’épilepsie de l’enfant, des pathologies cancéreuses en fin de vie, des accompagnements palliatifs et les troubles spastiques liés à des maladies neurologiques. « En ce qui concerne les pathologies mentales ou addictives, une métaanalyse récente (1), quelques études menées sur de petits échantillons, des études de cas, mettent en évidence une efficacité assez faible, mais incontestable, et soutiennent l’hypothèse de l’intérêt du cannabis thérapeutique dans ce domaine », explique le Pr Georges Brousse (CHU de Clermont-Ferrand).
THC et/ou CBD ?
Parmi les centaines de substances contenues dans le cannabis, deux ont des effets pratiquement opposés, le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol), psychotrope, et le CBD (cannabidiol), qui serait protecteur vis-à-vis du cerveau. Il existe des pistes plus ou moins probantes sur ces deux substances, prises séparément ou associées, dans certaines pathologies.
Dans les troubles anxieux, le THC voire le CBD ou leur association seraient anxiolytiques en aigu, mais avec semble-t-il un effet paradoxal à plus long terme. En revanche, ils semblent intéressants dans les troubles anxieux liés à la douleur. Le CBD seul a un effet limité, qui est plus marqué en association au THC, dont la dose doit cependant être maîtrisée pour éviter les effets délétères.
Dans le stress post-traumatique, l’association CBD/THC est parfois utilisée, mais plus le traitement est long et plus la dose de THC est élevée, plus grand est le risque d’effets secondaires et de dépendance, qui reste toujours difficile à prévoir.
Le cannabis thérapeutique serait plutôt à éviter dans les troubles dépressifs, en raison d’un effet plutôt dépressogène, avec des risques d’accélération dépressive et suicidaire, en particulier chez les adolescents.
Enfin, le CBD – ou l’association CBD/THC – pourrait soulager les symptômes du sevrage au cannabis : une possibilité intéressante en l’absence d’autre solution thérapeutique. Ils pourraient aussi accompagner le sevrage aux opiacés et, aux États-Unis, les États qui ont légalisé le cannabis ont constaté une réduction de la prescription et de prise d’opioïdes très nette par rapport aux autres États (2).
Historiquement, le cannabis a été incriminé dans le déclenchement ou la révélation des psychoses, corrélés avec la quantité de cannabis consommé. Mais les personnes souffrant de psychose ont une consommation souvent importante de cannabis, auquel elles attribuent un apaisement et une amélioration du contact avec autrui. Le CBD – plus que le THC – pourrait soulager en partie les symptômes psychotiques en association avec les autres thérapies (3). Ce qui ouvre toute une recherche sur les voies impliquées dans les psychoses et le rôle du système endocannabinoïde dans la régulation cortico-sous-corticale.
Entretien avec le Pr Georges Brousse (CHU de Clermont-Ferrand) (1) Black N et al. Cannabinoids for the treatment of mental disorders and symptoms of mental disorders: a systematic review and meta-analysis. Lancet Psychiatry 2019(6)12:995-1010 (2) Bradford AC et al. Association between US state medical cannabis laws and opioid prescribing in the medicare part D population. Jama Int Med. 2018 May 1;178(5):667-72 (3) McGuire P et al. Cannabidiol as an adjunctive therapy in schizophrenia: a multicenter randomized controlled trial. Am J Psychiatry. 2018 Mar 1;175(3):225-31
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