La notion de dysphorie de genre, c’est-à-dire la détresse qui peut accompagner l’incompatibilité entre le genre assigné et le genre vécu, est apparue en 2013 dans le DSM-5, avec la volonté de déstigmatiser le plus possible les personnes trans, et de participer au mouvement de dépathologisation, en abandonnant la notion de « trouble de l’identité de genre » du DSM-IV.
En 2018, l’OMS est allée encore plus loin, dans sa classification internationale des maladies (CIM-11). Il n’est plus question de « transsexualisme » mais d’incongruence de genre. Et celle-ci n’est plus classée comme mental and behavioural disorder, mais traité dans un nouveau chapitre, « situations en rapport avec la santé sexuelle ».
Une prévalence en augmentation
Dans le DSM-5, la dysphorie de genre est définie par la non-congruence marquée entre le genre vécu/exprimé par la personne et le genre assigné, d’une durée minimale de 6 mois. L’état est associé à une souffrance ou à une altération au niveau des domaines fonctionnels sociaux, professionnels ou autres. Sa prévalence est très variable selon les pays (culture, perception par la société…) et elle est en augmentation : 0,5 à 1,3 %. Elle concernerait plus d’hommes que de femmes. Les causes restent encore inconnues et sont certainement multiples (facteurs biologiques, sociaux, psychologiques…).
Chez l’enfant, les premiers signes peuvent apparaître entre 18 mois et 4 ans et, selon les études, la persistance à l’âge adulte varie de 2 à 27 %. Chez les adolescents, la persistance est d’au moins 80 %. « 30 % des adolescents sont porteurs de comorbidités : anxiété, troubles de l’humeur avec dépression et risque suicidaire, troubles du comportement, Asperger… », a souligné la Pr Agnès Gras-Vincendon (Strasbourg).
Psychothérapies en première ligne
« En Alsace, comme dans d’autres régions, une consultation spécialisée pour les adolescents existe depuis 2016 et un groupe d’échanges pluriel alsacien sur la transidentité a été créé », explique la spécialiste. Des réunions de concertation pluridisciplinaires (psychiatres, pédopsychiatres, psychologues, endocrinologues, chirurgiens, gynécologues…) ont lieu régulièrement.
Dans l’enfance, ce sont les garçons qui consultent le plus, alors qu’à l’adolescence, ce sont les filles (ratio 2/1). La prise en charge repose en premier lieu sur la psychothérapie individuelle avec l’enfant ou l’adolescent afin de porter le diagnostic, d’évaluer et réduire la souffrance personnelle ainsi que les difficultés relationnelles avec l’entourage, de diminuer l’isolement social et de traiter les comorbidités (troubles anxieux et dépressifs…).
Il faut également accompagner les parents. Différents types de familles apparaissent : en majorité, famille soutenante mais en souffrance (60 %), famille en position aidante (20 %), famille en grande souffrance (10 %), famille militante (5 %), famille non vue (5 %).
Traitement par étapes
D’un point de vue social, le changement de prénom est assez simple. Il peut se faire à partir de 13 ans : à la mairie, avec accord des représentants légaux (et du mineur s’il a plus de 13 ans), en justifiant un « intérêt légitime » de la demande.
Le changement de sexe à l’état civil se fait à partir de 18 ans par demande au tribunal de grande instance (la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice soutient la démédicalisation, puisque le rejet d’une demande de la modification du sexe à l’état civil ne pourra désormais être fondé sur l’absence de traitements ou opérations habituellement mis en œuvre dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre).
Avant d’envisager le traitement médical (hormonothérapie), se pose la question de la préservation de la fertilité, difficile toutefois à envisager pour des adolescents. À partir de 12 ans, la puberté est bloquée (stade 2 de Tanner). Lorsque la dysphorie de genre persiste, un traitement hormonal substitutif féminisant (estrogènes) ou masculinisant (testostérone) peut être commencé à partir de 16 ans. Le traitement hormonal améliore plus vite la transition sociale pour les filles (masculinisation de la voix). La chirurgie de réassignation ne peut se faire qu’après 18 ans. Des critères internationaux d’éligibilité pour la chirurgie de transformation génitale ont été établis (Worth Professional Association for Transgender Health).
Communications du Pr Marc-Antoine Crocq et de la Pr Agnès Gras-Vincendon lors de la session « À la frontière des genres. La prise en charge actuelle de la transidentité »
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